En séance de la Commission de la Santé, de l'Action sociale et de l'Egalité des chances du Parlement wallon, le 15 juin 2010, Bernard De Vos, Délégué général aux droits de l’enfant a présenté son rapport « relatif aux incidences et aux conséquences de la pauvreté sur les enfants, les jeunes et leurs familles ».
Son intervention a été suivie d’un exposé de la Ministre Eliane Tillieux sur les services et les aides relevant de la Région wallonne ainsi que sur les mesures prises à son initiative. Des parlementaires sont intervenus au cours du débat : Luc Tiberghien, Marc Elsen, Sophie Pécriaux et Patrick Dupriez.
Pour en savoir plus, je vous renvoie au site du Parlement wallon et à l’excellent rapport de séance présenté par la députée PS Sophie Pécriaux.
A noter qu’en Commission de l’Education du Parlement de la Communauté française, le 26 janvier 2010, lors d’une question adressée à la Ministre Marie-Dominique Simonet sur le rapport du Délégué général aux droits de l’enfant, le député Ecolo Yves Reinkin avait regretté, quant à lui, que la Commission de l’Education du PCF n’ait pas été associée à la réunion conjointe des commissions de l’Aide à la jeunesse et de l’Enfance qui, 15 jours plus tôt, avaient reçu Bernard De Vos, pour débattre de son rapport.
Tandis que le député Cdh Marc Elsen regrettait au cours du débat qui a suivi l'exposé de Bernard De Vos devant la Commission du Parlement wallon, qu’une réunion conjointe des commissions ad hoc du Parlement wallon et du Parlement de la Communauté française n’ait pas été organisée.
Décidément, il reste beaucoup à faire pour simplifier notre architecture institutionnelle et rendre le travail parlementaire plus efficace…
Sur la question du député Ecolo et la réponse de la Ministre, je vous renvoie au site du Parlement de la Communauté française et au compte-rendu de la séance.
(Bernard De Vos et Eliane Tillieux. Photo: Valentine Evrard)
J’ai pris connaissance de son rapport. Je l'ai trouvé remarquable tant dans la méthode de travail (rencontres avec les professionnels mais aussi avec les enfants et les familles) que dans sa présentation des constats et attentes des uns et des autres.
Le témoignage de celles et ceux qui vivent la pauvreté est essentiel !
Bernard De Vos le souligne d'emblée: la pauvreté est une atteinte aux droits de l’enfant. Elle peut être source de maltraitance mais aussi d’exclusion, de ségrégation, de relégation scolaire et de placement d’enfants…
Bernard De Vos : « La pauvreté pour l’enfant, ce n’est donc pas seulement le fait que ses parents ont peu d’argent. C’est un environnement global qui est perturbé par ces difficultés d’origine économique : la nourriture qu’il absorbe, les vêtements qu’il porte, les relations qu’il vit avec ses parents, ses amis, sa communauté et jusqu’à l’air qu’il respire sont empreints de cette inégalité qui fonctionne comme un stigmate.»
Plutôt que de soutien à la parentalité, souligne Bernard De Vos, on devrait parler d’accompagnement des familles et des proches des familles appelés à prendre la relève des parents.
Ainsi, on prendrait davantage en compte l’évolution de la famille et les problèmes soulevés par les familles recomposées, la coparentalité ou l’homoparentalité.
Constats et attentes
Les constats et attentes des professionnels et des personnes aidées se rejoignent : professionnels manquant de disponibilité, interventions pas assez rapides, problèmes d’accessibilité aux crèches, aux soins de santé, à l’emploi, à un logement décent, aux formations et aux loisirs, accumulation de frais de toutes sortes…
Beaucoup plaident pour l’automaticité des droits et la révision de la notion de cohabitant…
Des problèmes de collaboration subsistent entre différents services (par exemple entre les services de la Région wallonne et services de la Communauté française, entre les CPAS et des services de l’Aide à la jeunesse…). Parfois, trop d’intervenants s’occupent d’une même situation !
Se mettre dans la peau de l’autre, c’est évidemment quelque chose de difficile. Le rapport du Délégué ne peut qu’aider certains professionnels et les décideurs politiques à mieux appréhender les situations de pauvreté et de précarité, certains mécanismes amplificateurs de la pauvreté et les effets pervers de certaines aides et interventions…
Contrat et contrôle social
Beaucoup de professionnels interrogés par Bernard De Vos relèvent « une importante augmentation des contraintes qui sont opposées aux demandeurs d’aide, souvent sous forme d’adhésion à un contrat qui, plutôt que de concourir à l’insertion sociale, contribue parfois à l’exclusion pure et simple ».
Des contrats qui comportent bien plus de devoirs que de droits et qui apparaissent inadaptés à nombre de situations et de personnes...
Ecole et panne de l'ascenseur social
Rien de nouveau sous le soleil ! Bernard De Vos le souligne : « les professionnels dénoncent le fait que l’école conforte et cultive les inégalités. Ils estiment que le lien entre pauvreté et difficultés scolaires est manifeste et regrettent le maintien d’un système scolaire à deux vitesses.
De nombreuses voix s’élèvent pour regretter la sélection des élèves tant à l’entrée des écoles qu’à l’intérieur de celles-ci via, notamment, le redoublement et les réorientations vers les filières techniques ou professionnelles. (…).
De nombreux cas d’orientations inadéquates vers l’enseignement spécialisé nous ont également été rapportés.»
D’aucuns relèvent aussi l’exploitation de jeunes dans le cadre de certains contrats d’apprentissage.
Il y a aussi le regard critique et accusateur que certains enseignants portent sur les parents pauvres et leurs enfants, faute de sensibilisation et de formation ad hoc.
L’absence de gratuité à l’école
« Enfin, l’absence de gratuité à l’école, pourtant prévue et organisée dans divers textes légaux, continue à causer d’innombrables problèmes dans la relation des familles précarisées à l’école.
Cette question reste particulièrement sensible lors d’organisation d’événements spécifiques (activités culturelles ou sportives) pour lesquels la participation financière des parents est requise, de même que lors d’organisation de classes vertes ou de neige.
Les intervenants regrettent la mise à l’écart des enfants et des familles à ces occasions et dénoncent la « pollution » des relations par l’argent entre élèves et enseignants (particulièrement dans les petites classes).»
Sans parler de l’insuffisance de la remédiation et d'écoles de devoirs…
Autant de difficultés et de problèmes auxquels les déclarations de politiques régionale et communautaire tentent d’apporter des solutions…
Poursuite de la réflexion, à l'initiative de Bernard De Vos
Voici ce que l'on peut lire notamment sur le site du Délégué général aux droits de l'enfant:
« La publication du rapport « Dans le vif du sujet », sur les conséquences et les incidences de la pauvreté sur les enfants et les jeunes et les familles a suscité de nombreuses réactions médiatiques et politiques dans la foulée de l’année européenne de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale.
Le Délégué général a donc décidé d’ouvrir plusieurs chantiers pour trouver des réponses concrètes aux interpellations des bénéficiaires d’une aide sociale dont le témoignage a servi à rédiger le rapport pauvreté.
L’école et la réduction des inégalités sociales sont au centre de la réflexion qui aboutira à la fin des vacances scolaires et à l’automne dans la publication d’un manifeste pour une école plus juste et l'organisation de différents séminaires sur des thèmes comme: comment faciliter la relation entre les enfants et les familles pauvres et les services sociaux ; comment améliorer la collaboration entre les services pour apporter une aide efficace aux familles précarisées ; comment accompagner les familles précarisées dans l’éducation de leurs enfants ? »
Sur ce thème de la pauvreté infantile, je vous renvoie à mes chroniques consacrées à la séance plénière du Parlement de la Communauté française du 7 juillet 2010 (question du député Cdh André du Bus et réponse de la Ministre Evelyne Huytebroeck) et à celle du 19 juillet 2010 (question de la députée PS Malika Sonnet et réponse de la Ministre Evelyne Huytebroeck).
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Enfance et pauvreté
Je pense en effet qu'il y a une méconnaissance des rôles des uns et des autres pour apporter une aide efficace dans le milieu de la jeunesse et en particulier entre les Services d'aides à la jeunesse et les CPAS. Ceci,le plus souvent, au détriment des jeunes. Il me paraît intéressant de pouvoir "rassembler" ces différents secteurs afin de pouvoir mettre en lumière les limites des uns et des autres dans leurs propres législations et mettre en avant les éventuelles synergies possibles afin de mettre en oeuvre des collaborations autour de la jeunesse,ses besoins, ses attentes ...
Christian BRIDOUX