De « Shame » à Wouter Beke, le négociateur royal, en passant par certains éditoriaux...

A propos de "Shame"...  

Respect d’abord. Respect bien sûr pour ces dizaines de milliers de manifestants qui ont exprimé leur ras-le-bol devant des négociations sans fin. D’aucuns ont voulu exprimer aussi leur adhésion à une Belgique un peu illusoire; d’autres, leur rejet des nationalismes et leur choix d’une vraie mixité belge.

A l’évidence, Facebook et Twitter ont joué un rôle déterminant dans le succès de cette manifestation.

Les médias traditionnels n’ont pas été en reste et ont bien préparé le terrain.

Mais ces mots de ralliement « Shame », « Honte », je ne les ai pas aimés du tout ! Et cette manière de s’en prendre à tous les « politiciens », sans distinction ! Beurk ! Très peu pour moi !

« Nous tenons tous les politiciens qui sont ou ont été impliqués dans ces négociations pour responsables de cette situation : de droite, de gauche, Wallons ou Flamands. » (les organisateurs de « Shame »). Facile...

Je laisserai le dernier mot à Marc Uyttendael : « De 30.000 à 40.000 personnes qui sortent dans la rue pour exprimer une opinion, une volonté, une exaspération est un fait majeur. Tout citoyen qui se préoccupe du devenir de la cité est par essence respectable. Pour comprendre la signification de l'événement, il faut cependant aller au-delà, sonder les motivations, comprendre les objectifs. Les marcheurs d'un dimanche souhaitent un gouvernement. Ils ne sont pas les seuls. Quel Belge ne partage pas cette opinion ? Inconsciemment, ils s'en prennent au peuple belge dans son ensemble qui, à l'issue des dernières élections législatives, a dessiné une équation impossible. Ce que l'on reproche aux responsables politiques du nord et du sud du pays, c'est de demeurer intègres, de rester cohérents par rapport aux engagements pris envers les électeurs. On peut faire mille reproches à la NV-A, mais certainement pas d'avancer masquée.

Au mieux, cette formation politique souhaite la désagrégation de la Belgique et chaque jour de crise lui permet d'approcher son but avoué. Au pire, elle souhaite plumer la population francophone comme une volaille et voilà le prix qu'elle met à l'accord auquel elle pourrait souscrire. Quant aux partis francophones, ils se sont engagés à préserver la sécurité sociale et à ne pas porter atteinte au bien-être des Wallons et des Bruxellois. Peut-on leur reprocher aujourd'hui de faire de cet engagement une ligne rouge qu'ils se refusent à franchir en passant un accord qui appauvrirait les Francophones de ce pays ?

(...)

Et que dire de ces esprits inspirés qui ont décidé de se laisser pousser la barbe dans l'attente de la formation d'un gouvernement ?

(...)

Ces initiatives pédestres ou pilaires trahissent un désarroi, voire un désespoir assurément légitime mais elles n'en sont pas moins stériles. Le temps qui passe, aussi exaspérant et angoissant soit-il, est celui de l'épreuve de force et il a donc une signification profonde. Tous ceux qui fourmillent d'imagination pour inciter les responsables de leur communauté à conclure les incitent en fait à céder, à se trahir et bien plus grave encore à trahir leurs engagements. Ne pas céder, ne pas compromettre est un choix politique au sens le plus noble du terme et s'il est un comportement honteux en démocratie – SHAME – c'est de mentir aux électeurs, de faire, au lendemain de l'élection ou six mois plus tard, le contraire de ce que l'on avait promis. » (lesoir.be, 23 janvier 2011).

Les "politiciens", tous dans le même sac?

Je ne peux évidemment pas accepter que l’on mette tous les « politiciens » (encore un terme à la charge péjorative et que je n'aime pas!) dans le même sac en ignorant que les causes et les responsabilités de l’impasse actuelle doivent être avant tout imputées aux nationalistes de la N-VA et à leurs suiveurs, les sociaux-chrétiens du CD&V.

Est-ce à dire que les Francophones sont blancs comme neige ? Non, sans doute.

Ils auraient pu mieux se préparer, face aux résolutions unanimes du Parlement flamand de 1999, ne pas se contenter de n’être demandeurs de rien et ne pas se laisser entraîner parfois au jeu de la barbichette.

Et surtout, ils auraient pu affirmer plus clairement un credo fédéraliste donnant un rôle central aux Régions en leur réservant, en particulier à la Wallonie et à la Région de Bruxelles-Capitale, l’essentiel des compétences régionales et communautaires actuelles et futures, avec de solides mécanismes de coopération.

A cet égard, la résolution institutionnelle du Parlement wallon du 16 juillet 2008 ne manquait pas d'intérêt, malgré son adoption bien tardive.

Certes, les idées ont déjà évolué avec ce concept de « Fédération Wallonie-Bruxelles ». Ce n'est pas suffisant! Espérons que le groupe de travail qui planche sur cette fédération lui donnera un contenu essentiellement régionaliste.

Certains éditorialistes ne s'embarassent pas de nuances...

J’en reviens au rôle de certains médias et journalistes pas mécontents parfois de pouvoir rajouter une couche à un populisme – si pas un poujadisme – qui se nourrit de critiques faciles à l’égard des « politiciens ».

Il est vrai qu’un homme politique français de gauche comme Jean-Luc Mélanchon a pu lui-même dire et écrire « Qu’ils s’en aillent tous ! »

Le 12 janvier 2011, Véronique Lamquin écrivait dans son éditorial du Soir : « Ce n’est plus de temps dont ont besoin, désormais, les sept formations, mais de courage politique. Pour accepter un compromis. Ou pour oser dire à la population que l’accord est impossible et qu’il faut tout recommencer, avec ou sans passage par les urnes… »

Quel compromis, précisément ? Le courage politique, c’est aussi de ne pas accepter les ukases de la N-VA !

Et elle en remet une couche dans l’édito du 4 mars : « … la crise, donc. Globale, profonde. Impossible de ne pas la voir, à moins d’être enfermé, depuis huit mois… C’est pourtant cette impression d’aveuglement que dégage notre classe politique. Pensez donc : ce jeudi, cela faisait six mois que les présidents de parti du Royaume ne se sont pas assis à la même table. »

Ainsi, d’avis à l’emporte-pièce en raccourcis réducteurs, on en arrive à faire croire à une partie de l’opinion que les responsables de parti sont des faignants et se préoccupent de la crise comme de colin-tampon. La « médiacratie », cette démocratie des médias et des sondages, n’est pas loin…

Ne nous resterait-il donc que Witloof Bay et une place d’honneur espérée à l’Eurovision ? « Car, là où nos politiciens échouent, des artistes, des musiciens venus de tous les horizons de la Belgique, renforceraient une image de notre pays bien écornée ces temps-ci. » (René Danloy, L’Avenir, 14 février 2011).

On croit rêver...

Tant mieux, bien sûr, si Witloof Bay et Florence Huby, sa chanteuse de Redu, nous emmènent vers les sommets!

Quant à la révolution des frites qui a mobilisé quelques milliers d’étudiants, le mot d’ordre est plaisant et bien de chez nous, sans plus…

Wouter Beke, négociateur royal...

Après les 3 petits tours et puis s’en vont de D. Reynders, c’est Wouter Beke qui devient négociateur royal. Enfin, les sociaux-chrétiens flamands du CD&V vont vraiment se mouiller dans l’aventure, autrement qu’en restant dans les pas des nationalistes flamands de la N-VA, autrement qu’en pratiquant la surenchère…

Patience et longueur de temps…

(Notre Roi qui vient de désigner Wouter Beke comme négociateur royal, n'a pas ménagé sa peine ces derniers mois. Lorsqu'Il est venu à Vielsalm en 2004, j'avais expressément demandé aux macralles de ne pas Lui jeter un mauvais sort qui aurait pu rendre bien plus difficile encore, ces derniers temps, l'exercice de ses hautes responsabilités. Heureusement, elles ont répondu positivement à ma demande!)

J. G. 6 mars 2011