Hugues le Paige, co-directeur de la revue « Politique », a publié récemment une chronique bien intéressante à l'intitulé lourd de sens: l'escroquerie idéologique. Elle date du 24 juin 2011 (lesoir.be).
Depuis lors, Elio Di Rupo a remis sa note de formateur. Les propos de Hugues le Paige n'en gardent pas moins leur actualité. C'est pourquoi j'ai souhaité les publier tels quels.
"On vit une nouvelle escroquerie idéologique et intellectuelle. L’offensive est de grande envergure sur deux plans. D’abord, voici le retour du discours du libéralisme triomphant des années 80, « il n’y a pas d’autre politique possible » que l’austérité.
Le paradoxe est énorme, alors même que le libéralisme débridé a conduit l’économie à sa perte, après que le tout-au-marché ait entraîné une régression sociale sans précédent (depuis les années 30) et que la dérégulation généralisée prive les nouvelles générations d’un avenir décent, les mêmes – exactement les mêmes – qui vantaient les recettes défaites, donnent des leçons sur le mode triomphant.
Politiciens libéraux en campagne et en manque d’autorité, leurs chargés d’études en mal d’expression médiatique, quelques experts – naturellement « neutres » – sans oublier l’un ou l’autre politologue « raisonnable », cette étrange coalition des vaincus de l’histoire immédiate nous indique sans coup férir le chemin du futur : privatisations, restrictions, austérité. Hors de cette trinité, point de salut !
Les mêmes vilipendent l’éternel conservatisme de la gauche, confondant volontairement « l’immobilisme » et la défense de droits – heureusement et durement – acquis qui ont fait progresser la civilisation. Un seul mot d’ordre depuis quelques jours : « Feu sur le Quartier Général de la gauche ! ».
Avec cette vieille antienne : la réforme – entendez le progrès – c’est la fin des droits acquis paralysants au nom de toutes les libertés (du marché). Ceux-là même qui ont inspiré ou directement fabriqué tous les sous-statuts de la précarité, exigent la fin de la protection qui assure la dignité sociale ou tout simplement humaine.
La réforme, c’est désormais l’austérité, c’est-à-dire les sacrifices pour le plus grand nombre et le maintien des privilèges mobiliers, immobiliers et fiscaux pour les nantis (ceux qui font « tourner » l’économie).
Désormais Elio Di Rupo est invité à revêtir les habits de Gerhard Schröder et de Tony Blair, pourquoi pas ceux de Margaret Thatcher (cela en ferait un socialiste enfin premier ministrable) ? La pression est terrible. Le rapport de force global est certes peu favorable pour la gauche qui, elle-même, peine à se remettre en question après des années de cogestion libérale.
Personne ne possède de recette miracle. Mais des voies sont à explorer : l’austérité tant vantée par la droite peut recouvrir des significations différentes et même contradictoires. Elle peut être mise au service des besoins collectifs et orientée vers la transformation sociale, elle peut être progressive comme la fiscalité, elle peut frapper d’abord ceux qui ont la possibilité de maintenir, en tout état de cause, un niveau de vie élevé.
L’austérité pour les intérêts notionnels : voilà un bon début ! Cela implique un combat terrible et la remise en question d’un modèle purement productiviste. Car il ne faut pas se tromper, l’affrontement gauche/droite qui est à l’œuvre, est sans doute le plus rude que nous ayons vécu dans notre pays depuis les grèves de 1960-61 dont on vient discrètement de commémorer le cinquantenaire."
Copyright La chronique parlementaire 2009 - Editeur responsable Jacques Gennen
Site développé par Tictemium