Fédéralisme de coopération

 Après le débat en séance plénière, il y a quelques semaines, la problématique du fédéralisme de coopération est revenue, ce lundi 22 février 2010 à l'ordre du jour de la Commission des Affaires générales du Parlement wallon, à l'initiative de Christophe Collignon, un député PS particulièrement attentif à toutes les questions institutionnelles.

Le Premier Ministre ayant pris l'initiative de rencontrer les entités fédérales en vue de renforcer la collaboration entre les différents niveaux de pouvoir et de lutter contre la crise, notre Ministre-Président Rudy Demotte l'a rencontré " avec un certain nombre de demandes ".

(Photo d'archives. Christophe Collignon, un des rares députés à ne pas lâcher prise sur les revendications wallonnes)

Question de Christophe Collignon

Christophe Collignon: " La presse  mentionne que vous avez  suggéré au Premier Ministre une « liste ouverte » de sujets à traiter « ensemble » : l''emploi, les mesures de compétitivité, les problèmes de transmission d'entreprises, la mise à disposition d'espaces appropriés pour installer de nouvelles entreprises, l'essor des politiques de recherche et développement. Pour la Région wallonne, vous avez ainsi centré vos propos sur les questions économiques,  et plus précisément sur l'activité entrepreneuriale et l'emploi. (...)

Quelles priorités régionales avez-vous mises en avant pour le sommet européen et la présidence belge de l'Union européenne ? Avez-vous déjà fait des propositions concrètes ? Avez-vous abordé, lors de ces rencontres, les questions institutionnelles qui sont évidemment aussi importantes pour l'efficacité des mesures que l'on peut prendre en temps de crise ?"

Réponse de Rudy Demotte

Rudy Demotte: " Peut-être puis-je revenir sur quelques éléments qui ont été mis à profit pour affirmer le message-clef des uns et des autres.

La Flandre dit: « Nous avons une conception du partenariat dans laquelle le fédéral agit en appui des Régions ». 

Bruxelles dit: « Attention, nous avons une position et des contraintes spécifiques, donc nous voulons être considérés comme tels ».

Pour les Wallons, j'ai voulu ouvrir le jeu et balayer un éventail de possibilités, en reprenant à chaque fois des cas concrets." 

Sur l'Union européenne et la relance économique

 Rudy Demottte s'est réjoui de la volonté du Premier Ministre d'associer étroitement les Régions à la préparation des discussions au niveau européen et a rappelé l'importance d'une réelle stratégie socio-économique à adopter au niveau de l'Europe.

Le Ministre-Président a rappelé des axes prioritaires: la promotion de nouveaux modes de production et de consommation,  la création d'emplois dans la dimension du développement durable et dans l'esprit des alliances emploi/environnement,  des politiques industrielles durables et orientées vers l'émergence d'activités nouvelles.

Tout en soulignant que " ... notre modèle belge n'est plus si bien distingué entre le Sud qui aurait eu à vivre de grandes restructurations et le Nord qui en aurait été épargné. Le Nord est aujourd'hui en proie à des restructurations massives dans des secteurs d'économie traditionnellement reconnus comme solides."

Rudy Demotte a indiqué avoir également abordé la question de la réforme des marchés financiers en demandant une meilleure coordination des politiques macro-économiques au niveau européen.

Sur la stratégie européenne "UE 2020" et ses dangers

Rudy Demotte: "  Il y a un risque dans ce qui est annoncé, à l'échelon européen (...). La partie du discours qui nous intéresse, c'est le besoin d'être plus ferme dans l'affirmation d'une stratégie européenne, c'est-à-dire dans la mise en place de cette stratégie.

Par contre, il y a un autre aspect, la réorientation d'un certain nombre de moyens financiers actuellement dédiés aux politiques de cohésion qui, si nous ne sommes pas attentifs, pourraient être remobilisés pour la mise en place de cette stratégie transversale.

Cela pourrait par exemple se concrétiser chez nous par la diminution des moyens affectés aux fonds structurels. Voilà pourquoi j'ai dit que nous avions une demande : plus de stratégie, d'accord, mais pas au détriment de la cohésion territoriale."

A propos du contrôle des chômeurs

A propos du contrôle des chômeurs, Rudy Demotte a dénoncé les démarches d'ordre bureaucratique inutiles tout en soulignant que "... pour que les personnes qui sont en recherche d'emploi aient le plus de chances d'en retrouver un, ce sont de formations ad hoc dont elles ont besoin.

Si le système d'assurance sociale doit sanctionner à un moment, il faut que ce soit davantage lié à ces parcours de formation, à la manière dont on peut inviter les hommes et les femmes à mieux embrasser leur propre destin, que sur des contrôles bureaucratiques et tatillons.

Nous avons aussi remarqué qu'il y avait aujourd'hui une rupture totale entre le nombre d'emplois offerts et la demande d'emploi. Aujourd'hui, il y a quelque 30 fois plus de demandeurs d'emploi que d'offres ! Rendons-nous compte de ce qui se passe."

Sur l'esprit d'entreprendre

Rudy Demotte: " Nous pouvons demander au Fédéral de nous aider à renforcer l'esprit d'entreprendre. Comment ? En mettant en place un cadre juridique qui favorise la culture de la deuxième chance.

Dans ce pays, en matière de faillite, que l'on soit un failli frauduleux ou tout simplement victime d'un aléa économique, on est traité de la même manière. Imaginez-vous qu'il est difficile, pour une personne qui a connu un échec économique, mais qui a voulu entreprendre, d'aller retrouver un certain nombre d'acteurs et de leur demander une deuxième chance.

Nous n'avons pas de système qui permet ce rebondissement. Là-dessus, le Fédéral nous rassure et nous affirme que des mesures concrètes vont être prises. "

A propos de la transmission d'entreprises et de l'absence d'accord avec la Flandre

Rudy Demotte: " Nous avons aujourd'hui, dans l'esprit du Small Business Act européen, fait en sorte qu'il y ait davantage d'outils pour la transmission d'entreprises. Nous voulons que ce soit possible et c'est d'ailleurs pour cela que nous avons créé un outil : la SOWACCESS. Elle fonctionne très bien et engendre, dans sa dynamique, des conventions, notamment avec les Pays-Bas, la France, mais aussi la Flandre. "

Et Rudy Demotte de poursuivre en indiquant que la transmission d'entreprises doit également être facilitée entre les deux plus grosses régions du pays, la Flandre et la Wallonie: " ... et pourtant, jusqu ici, avec la Flandre, cela ne fonctionne pas, nous ne parvenons pas à aboutir à un accord de partenariat.

Nous demandons donc au Premier Ministre de jouer un rôle d'intermédiation pour permettre à la SOWACCESS de développer des conventions de même nature que celles que nous devons faire avec l'étranger.

Si le Fédéral et les entités fédérées se mettent d'accord sur un new deal, un partage des cartes sur certains domaines de compétences, il y en a sur lesquelles nous pouvons dire que nous sommes d'accord et dans quelles conditions."

Rudy Demotte a également évoqué la possible régionalisation du Fonds de participation et l'absence d'une politique de statistiques adaptée aux institutions du pays: " ... entre Régions, nous n'avons pas souvent les ponts nécessaires pour des comparaisons statistiques. "

Christophe Collignon, dans sa réplique, n'a pas manqué de souligner que le fédéralisme ne peut se concevoir sans coopération et sans solidarité.

Il s'est montré plutôt en phase avec les propos de  Rudy Demotte, son pragmatisme, sa volonté d'agir dans le cadre des mécanismes de coopération existants, les priorités retenues, la dénonciation des abus du contrôle des chômeurs, la nécessité d'amélioration des législations en vue de faciliter l'esprit d'entreprendre etc.

Christophe Collignon que j'ai déjà connu plus incisif, allait-il en rester là? C'est vrai que la situation économique et BHV qui, dans les semaines qui viennent,  va nous revenir on ne sait trop comment, incitent à la prudence dans les revendications institutionnelles...

Mais en prenant connaissance de la fin de sa réplique, j'ai retrouvé le régionaliste avec lequel j'avais signé une carte blanche, en son temps (" A présent, vous pouvez dire à nos mères que nous sommes régionalistes ").

Christophe Collignon: " Je terminerai par deux points. Le premier point, c'est de donner, au niveau de la Wallonie, l'ensemble de la direction économique, pour qu'elle puisse disposer de tous ses outils économiques.

Vous avez évoqué la SOWACCESS qui est la filiale de la SOWALFIN. J'ai parfois le sentiment que certains outils fédéraux font les mêmes politiques et les politiques croisées ne sont pas nécessairement favorables.

Je pense donc qu'il est important de pouvoir récupérer l'ensemble de nos outils économiques. Il y a un autre débat aussi, mais je pense que vous en êtes bien conscient, c'est le souci d'améliorer l'offre de formation par rapport au tissu économique.

Il faudra relancer cette notion de bassin de vie parce qu'en économie, beaucoup de choses partent de l'enseignement et de la formation. "

J.G., 10 mars 2010