Le 8 juin 2009, au lendemain des élections régionales, Le Ministre-Président Rudy Demotte a octroyé les licences d’exportation d’armes légères à la Lybie sollicitées par la FN Herstal. Cette décision a été prise en période d’affaires courantes (ou d’affaires prudentes, selon certains) au terme d’une très longue période d’analyse et de consultation et après l’avis rendu par la Commission d’avis sur les licences d’exportation d’armes le 2 juin 2009.
A la suite d’une requête introduite notamment par l'a.s.b.l. «Ligue des Droits de l'Homme» et l'a.s.b.l. «Coordination Nationale d'Action pour la Paix et la Démocratie» qui estimaient la décision ministérielle incompatible avec les violations des droits de l’homme par la Lybie, le Conseil d’Etat a ordonné la suspension de l’exécution des licences d’exportation d’armes, par son arrêt du 29 octobre 2009).
En commission des affaires générales, Rudy Demotte a fait face aux critiques de l’opposition libérale et a répondu aux interpellations de plusieurs parlementaires de tous bords.
C’est évidemment un débat important.
Le Ministre-Président n’a jamais caché que de telles décisions posent des questions d’appréciation politique délicates.
Ce que souligne d'ailleurs le Conseil d’Etat, « C’est précisément à propos de ce genre de décisions que le contrôle politique a le plus de raisons d’être; que les décisions attaquées apparaissent non seulement comme des affaires d’intérêt plus qu’ordinaire, mais aussi comme des «affaires de gouvernement» dans lesquelles le pouvoir politique est amené à trancher entre des intérêts économiques considérables d’une part et des principes éthiques d’autre part; qu’en l’absence d’une urgence particulière, les décisions qui tranchent un tel débat ne peuvent être regardées comme relevant des affaires courantes et à ce titre susceptibles d’être valablement adoptées par un gouvernement en l’absence de contrôle parlementaire ».
Alain Onkelinx est intervenu dans le débat pour le PS. Tout en appelant de ses vœux « un monde parfait où plus aucune arme n’est fabriquée, vendue et utilisée », il a souligné que le secteur de la Défense est un important vecteur d’activités et d’emplois en Région wallonne.
Sans faire l’impasse sur les violations des droits de l’homme en Lybie (pourtant appelée à présider pendant un an l’Assemblée générale de l’ONU), le Député liégeois a aussi rappelé qu'avant l'échéance électorale, tous les partis étaient favorables à l'octroi des licences avec, ici et là, des subtilités de langage permettant de ne pas trop s'éloigner des électeurs proches de la FN-Herstal. L'échéance électorale passée, les divergences de vues ont ressurgi ...
Alain Onkelinx, pour lequel il n’est pas question de revenir sur les licences accordées, a également évoqué la déclaration de politique régionale. Cette dernière précise que le Gouvernement accordera une attention particulière à la « question liée au marquage, à la traçabilité et à l’enregistrement des armes légères et de munitions dans le cadre des négociations internationales en la matière, domaines dans lesquels les entreprises wallonnes sont déjà considérées comme des références ». La DPR consacre deux bonnes pages aux mesures à prendre en vue d’optimaliser le contrôle du commerce des armes, « dans une démarche respectueuse des normes internationales et européennes, de l’éthique et du respect des droits de l’homme ».
Selon le Ministre-Président, tous les contacts initiés dans le cadre de l'analyse de ce dossier y compris avec l'autorité fédérale en tout début de processus et avec les autorités d'autres pays européens convergeaient dans le sens d'une appréciation, certes, prudente mais, à tout le moins, positive de l'évolution de la situation dans le pays de destination.
Pour Rudy Demotte, le Conseil d’Etat a tout faux. En période d’affaires courantes, peuvent être prises les décisions qui présentent un caractère d'urgence et celles qui sont le point d'aboutissement d'un processus qui a débuté bien avant les élections. Ces deux conditions étaient remplies lorsqu’il a pris sa décision.
Voici quelques extraits choisis de l’intervention de Rudy Demotte : « Mesdames, Messieurs les Députés, vous vous interrogez sur le fait de savoir s'il n'aurait pas été opportun de prendre une décision hors affaires courantes. Oui, certainement, cela aurait été bien plus confortable.
Mais comme je viens de vous le démontrer, si la décision d'octroyer ou de refuser la licence avait été prise plus tôt, elle l'aurait été sur base d'éléments erronés ou tout du moins non vérifiés. Si ma décision avait été prise plus tardivement, les risques d'amendes, de paiement d'indemnités et de rupture du contrat pesaient lourdement sur l'entreprise concernée ».
Le Ministre-Président, tout en soulignant la rigueur avec la laquelle les demandes d’exportation d’armes étaient examinées par la Région wallonne, a confirmé que les licences de la FN Herstal non exécutées seraient accordées. Et le Ministre-Président de préciser : « Mes motivations pourraient être strictement identiques à celles qui m’ont conduit a déjà délivrer des licences pour ce même matériel sous la précédente législature ».
Il a conclu en estimant opportun que la Commission d’avis dont le rôle est essentiel dans la procédure d’octroi des licences, voit son existence et son rôle confirmés par un décret qui bétonnerait également son indépendance. Il va également « proposer au Gouvernement dans le courant du mois de janvier
2010, après une concertation avec le secteur, d'examiner un mécanisme d'autorisation préalable qui permettrait un contrôle en amont des engagements qui sont pris par les entreprises avant qu'elles sollicitent l'octroi in fine de la licence d'exportation. Ce mécanisme assurerait une sécurité juridique ».
Le débat n’est pas clos et je laisserai, pour ce 10 novembre 2009, le mot de la fin à Rudy Demotte : « (…) Dans le cadre de ma fonction de Ministre-Président ayant en charge les exportations d'armes, je ne siège ni du côté des industries d'armement ni du côté des associations humanitaires. Du fait du tissu économique wallon, je me dois de veiller en permanence à trouver le juste milieu entre ces deux fronts que de facto tout oppose ».
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