D'emblée, je veux souligner combien j'ai peu d'atomes crochus avec le régime institutionnel français qui n’est pas aussi parlementaire que certains le disent.
Je n'aime pas ce régime présidentiel ou semi-présidentiel qui donne trop de pouvoir au président de la République au détriment du Parlement, ce régime qui fait du premier ministre le porteur d'eau du président (son « collaborateur » a dit Sarkozy), et qui fait du gouvernement, malgré sa responsabilité devant le Parlement, un gouvernement croupion aux ordres du président de la République.
Certes, en cas de cohabitation entre un président et une majorité parlementaire différente de celle du président, les rapports de force changent mais le président n'en conserve pas moins trop de pouvoir, aussi constitutionnel soit-il !
Mais bon, c'est le régime que les Français ont voulu, avec chez certains, la nostalgie d'un pouvoir royal révolu.
C'est vrai aussi que sous la IIIe République et la IVe République, le régime parlementaire ne s'est pas montré sous son meilleur jour : beaucoup d'instabilité politique et de démissions de gouvernements et de ministres, au détriment de l'intérêt général !
Ce n'est donc pas sans arguments que De Gaulle a fait adopter par référendum la Constitution de 1958 (qui limite notamment les pouvoirs du Parlement) et a eu recours, en 1962, au référendum pour faire approuver l'élection du président au suffrage universel.
Une démarche qui correspondait bien à son ego et qui lui permettait d'asseoir davantage le pouvoir personnel du président. De Gaulle s'estimait d'ailleurs « seul à détenir et à déléguer l'autorité de l'Etat ».
On me rappellera sans doute que Mitterrand a fait fort dans ce domaine…
Mais qui peut nier que Nicolas Sarkozy a usé et abusé de son pouvoir ?
Trop, c'est trop ! Au point que François Hollande a justement lancé à Nicolas Sarkozy lors du débat de ce 3 mai 2012 : « Ne confondez pas votre personne avec la France ! ».
Ce qui convient peut-être aux Français n'est heureusement pas de mise chez nous : les parlements jouent leur rôle de législateur et de contrôleur de l'exécutif, les gouvernements exécutent, le Roi - au pouvoir constitutionnel limité mais disposant d'une certaine magistrature d'influence - règne mais ne gouverne pas.
D'aucuns diront peut-être que dans la réalité, la répartition des pouvoirs entre les parlements et les gouvernements n'est pas aussi simple. Pour avoir été député wallon et de la Communauté française pendant cinq ans, je ne leur donnerai pas tout à fait tort.
La campagne électorale ultra médiatisée qui agite la France depuis quelques mois a au moins le mérite d'inciter les électeurs français à aller voter, ce qu'ils ont fait en masse au premier tour.
Même si la forme (les bons mots, les mauvais coups, la surenchère verbale, la dramaturgie, les querelles d’ego…) l'emporte souvent sur le fond, faut-il pour autant réduire le débat du 3 mai à un « joli spectacle populaire » pour reprendre l'expression de Charline Vanhoenacker, la correspondante parisienne de la RTBF ? Je ne le pense pas même si cette personnalisation des enjeux m'agace !
Un peu d'espoir qu'il puisse impulser et conduire, avec une majorité parlementaire de gauche, une politique différente, plus solidaire, plus juste fiscalement et socialement, tolérante (sans angélisme pour autant), efficace dans sa lutte contre les inégalités et pour le contrôle du monde financier.
Ne rêvons pas ! La marge de manoeuvre n'est pas très large et le chemin est parsemé d'embûches. Mais si, aujourd'hui, François Hollande n'est pas porteur d'espoir, qui peut l'être ?
Au niveau de l'Europe, au moins pourra-t-il profiter de sa fonction pour tenir un discours différent de la pensée unique et néolibérale européenne et contribuer à un petit coup de barre à gauche ! On peut rêver…
Angela Merkel le craint déjà : elle s’est d’ailleurs tournée vers l’Italie et Mario Monti pour consolider son leadership européen et imposer ses choix budgétaires, économiques et sociaux.
Dans le contexte politique et institutionnel français, c'est François Hollande qui, lors du débat de ce 3 mai, a donné une vraie leçon de démocratie à propos de la place et du rôle du président de la République (une manière de dénoncer précisément quelques-uns des comportements répréhensibles et des manquements de Nicolas Sarkozy).
Je vous livre ses propos tels que le média en ligne Rue 89 les présentait ce matin :
« Moi, président de la République, je ne serai pas le chef de la majorité, je ne recevrai pas les parlementaires de la majorité à l’Elysée.
Moi, président de la République, je ne traiterai pas mon premier ministre de collaborateur.
Moi, président de la République, je ne participerai pas à des collectes de fonds pour mon propre parti dans un hôtel parisien.
Moi, président de la République, je ferai fonctionner la justice de manière indépendante [...]
Moi, président de la République, je n’aurai pas la prétention de nommer les présidents des chaînes publiques [...]
Moi, président de la République, je ferai en sorte que mon comportement soit à chaque instant exemplaire.
Moi, président de la République, j’aurai aussi à cœur de ne pas avoir de statut pénal du chef de l’Etat, je le ferai réformer. [...]
Moi, président de la République, je constituerai un gouvernement qui sera paritaire. [...]
Moi, président de la République, il y aura un code de déontologie pour les ministres [...]
Moi, président de la République, les ministres ne pourraient pas cumuler leurs fonctions avec un mandat local. [...]
Moi, président de la République, je ferai un acte de décentralisation. [...]
Moi, président de la République, je ferai en sorte que les partenaires sociaux puissent être considérés. [...]
Moi, président de la République, j’engagerai de grands débats, on a évoqué celui de l’énergie. [...]
Moi, président de la République, j’introduirai la représentation proportionnelle pour les élections législatives. [...] »
Vivement dimanche !
Jacques Gennen, 3 mai 2012
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