D’accord, le titre est accrocheur et je ne fais pourtant pas partie des prêcheurs alarmistes et adeptes du catastrophisme !
Certains invitent à ne pas voter. Je peux comprendre leur lassitude, entretenue d’ailleurs par l’idée véhiculée dans certains médias que la crise actuelle est due à l’irresponsabilité du monde politique.
Comme je l’ai déjà écrit, ne mettons pas tous les mandataires publics dans le même sac. Les vraies responsabilités ne sont pas du côté francophone même si le refus de négocier et les incantations du style « nous ne sommes demandeurs de rien » n’ont pas arrangé les choses.
Il ne faut surtout pas désespérer de la politique !
Avec le débat public, le pluralisme politique et la liberté d’expression, le vote (et, en particulier, le vote obligatoire chez nous) est un élément essentiel du fonctionnement de notre société démocratique.
« Car pour faire aboutir des avancées démocratiques, pour transformer la société, le passage par la représentation politique des intérêts en présence, et par le débat politique est indispensable.
Les lois émancipatrices ont été et resteront adoptées par des majorités politiques dont la composition est fonction, au premier chef, du résultat des élections, donc du vote » (extrait de l’intéressante carte blanche « Vote obligatoire : ne pas jeter la démocratie avec l’eau du bain », publiée par un collectif de signataires dans Le Soir du 26 mai 2010).
"Faire de la politique" en participant au débat d’idées, en se présentant devant les électeurs, en cherchant le pouvoir pour appliquer son programme et concrétiser sa vision de l’intérêt général, reste un engagement - souvent difficile - qui a ses lettres de noblesse.
Mais c’est vrai aussi qu’il y a celles et ceux, peu nombreux heureusement, qui pratiquent la confusion d’intérêts ou font passer leur propre intérêt ou celui de leur parti avant l’intérêt général.
Il en est d’autres qui sacrifient trop facilement à l’image, à l’événementiel, au court terme. Ils sont d’ailleurs bien soutenus par la complaisance de certains journalistes qui exploitent ce côté superficiel de l’engagement politique pour s’en moquer ou attirer le chaland.
Bon, au-delà de ces turpitudes et de ces excès, il y a la noblesse d’un engagement dans lequel la très grande majorité des candidats et des élus s’investit avec passion sans se laisser corrompre par le pouvoir (ce qui ne veut pas dire qu’ils n’y prennent pas goût, même un peu trop parfois…).
Quelle chance nous avons de pouvoir voter!
Certes, il y a aussi le danger de voir les partis nationalistes flamands et la NV-A en particulier, mener la danse en Flandre (mais n’est-ce pas déjà le cas depuis de nombreuses années ?) et, par ricochet, lors des prochaines négociations fédérales.
Il faudra sans doute négocier avec la NV-A aussi une profonde réforme de l’Etat, sans se laisser impressionner par son objectif final qui est le séparatisme.
Sans se laisser impressionner non plus par les résolutions du Parlement flamand que j’ai évoquées dans mon précédent éditorial et dont certaines sont imbuvables comme la scission des soins de santé (un prélude à la scission de la sécurité sociale…), la mise sous tutelle de Bruxelles et la suppression de son statut de région, la remise en cause de certaines solidarités fiscales, etc.
Le jusqu'au-boutisme de certains Flamands ne manquera pas d’être corrigé à l’aune des conséquences de la crise économique et financière en Flandre…
Si la rigueur, c’est mieux gérer en préservant notre modèle social, en recherchant plus d’équité fiscale, en protégeant les victimes de la crise, en préservant la qualité et l’efficacité des services publics : on peut être d’accord !
(Les écarts se creusent encore entre les riches et les pauvres et les inégalités sociales gagnent du terrain. l'abondance ou même simplement le strict nécessaire est de moins en moins au rendez-vous des victimes de la crise. Photo: fresque du Salon de l'Abondance au Palais de Versailles)
Mais la rigueur pourrait aussi n’être rien d’autre qu’une politique d’austérité qui ne dit pas son nom, en détricotant des filets de protection sociale, en s’en prenant aux services publics, en accentuant les inégalités sociales, en s’engageant plus encore dans la voie de la précarisation de l’emploi et de sa flexibilité…
Ne prenons que la politique fiscale. Le boulot ne manque pas: lutter contre la fraude fiscale (mettre en œuvre les 108 recommandations de la Commission des Finances), revoir certains avantages fiscaux (comme les intérêts notionnels), faire passer les banques à la caisse, taxer les transactions financières spéculatives, revoir certaines mesures fiscales qui profitent davantage aux bien nantis qu’aux autres, etc.
Certains se réfugieront évidemment derrière l’Union européenne et même la mondialisation, pour ne pas en faire trop…
Sans nier les risques d’un endettement excessif (à cet égard, la Belgique est loin d’être le plus mauvais élève), j’ai l’impression qu’au nom de la compétitivité et de la réduction des déficits publics, on va se soumettre une fois de plus aux « lois du marché » (au laisser-faire) moyennant quelques rafistolages, que ce soit au niveau belge ou au niveau européen.
Ne prépare-t-on pas, en réalité, les esprits à des politiques d’austérité présentées comme inéluctables ?
Il est donc indispensable de voter aussi pour assurer une forte représentation des forces de gauche et du Parti socialiste en particulier, au sein de la Chambre et du Sénat pour qu'elles défendent - autant que possible (on connaît les limites de l'exercice dans un gouvernement de large coalition) - une politique progressiste digne de ce nom!
J.G., 2 juin 2010
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