Certes, on les voyait venir avec leurs gros sabots et on pressentait que Nicolas Sarkozy et Angela Merkel, serviteurs zélés de la droite européenne, allaient tenter d’imposer, sans plus de façon, un pacte de compétitivité à la sauce allemande qui s’en prend notamment à l’indexation des salaires !
L’Allemagne peut se prévaloir d’une économie forte, dopée par ses exportations. Elle s’en glorifie.
Mais c’est au prix d’une réduction de la consommation intérieure et d’un dumping sur les salaires et les allocations sociales, d’une flexibilité accrue et d’une extension de l’emploi précaire et des petits jobs mal payés.
Ce sont les autres pays européens et ses voisins surtout qui ont consommé ses produits. L’économie allemande s’est en quelque sorte refait une santé sur le dos de ses voisins.
Dans les pays voisins de l’Allemagne, c’est aussi une consommation maintenue à un certain niveau grâce à la sécurité sociale, aux filets sociaux et aux garanties de revenus dont disposent encore les travailleurs et les allocataires sociaux, qui lui a permis d’y exporter ses produits.
En Allemagne, il n’existe pas de salaire minimum (hors convention collective de travail) et près de 3,5 millions de travailleurs salariés travaillent pour moins de 7 euros par heure…
Par ailleurs, depuis 2004, la loi « Ich AG » permet à une personne en chômage de bénéficier d’une aide de l’Etat pour s’installer comme indépendante. Rien de bien nouveau…
Ceux qui veulent prendre exemple sur l'Allemagne évoquent aussi les centaines de milliers de personnes qui se sont installées comme indépendantes gràce à la loi « Ich AG » de 2004. mais beaucoup d’entre elles ont une couverture sociale limitée à la maladie, l’invalidité et la maternité, sans obligation de s’assurer pour la pension et pour le chômage, sauf exceptions. C’est ce que souligne Cécile Boutelet dans le Monde du 2 février 2011.
(Non, bien sûr, il ne s'agit pas de Nicolas et Angela mais d'un couple de Cotelis, sur le rond-point de Jambes, représentant d'anciens petits cultivateurs de Jambes dont la "Frairie des Masuis et et des Cotelis jambois" perpétue le souvenir. La Frairie perpétue également la tradition de la fête de Saint-Vincent déjà célébrée au Moyen-Âge par les Cotelis)
Il y a quand même ces derniers mois un point positif à relever : sous la pression du syndicat IG Metall, des hausses de salaires, y compris pour les travailleurs intérimaires, ont été programmées dans la métallurgie.
Mais certains restent sceptiques (comme le Professeur Bernard Gazier, dans le numéro de décembre 2010 de la revue Alternatives économiques) quant à leur extension à d’autres secteurs. Il apparaît que les employeurs allemands sont toujours plus nombreux à ne pas se sentir liés par les accords salariaux et usent et abusent des bas salaires et de l’emploi précaire…
Comme le souligne le PS dans un communiqué de presse du 4 février 2011 contestant le projet de pacte de compétitivité, un tel projet « s’apparente à une régression sociale où les dépenses sociales sont les variables d’ajustement de la compétitivité des Etats membres dans la mesure où il préconise entre autres le relèvement généralisé de l’âge de la pension légale et la suppression de l’indexation des salaires.»
J’ai lu avec plaisir l’opinion exprimée par Elio Di Rupo sur son blog : « Chaque ouvrier, chaque employé, chaque salarié connaissent l’importance de cette adaptation de son revenu au coût de la vie. Quand les prix augmentent, son salaire est revu à la hausse à due proportion. C’est simple, c’est logique, c’est une avancée conquise de haute lutte par le monde socialiste.
Cette proposition régressive est d’autant plus choquante que les travailleurs ont payé le prix fort de la crise depuis deux ans, et que la part des salaires dans la richesse produite n’a cessé de reculer en Europe depuis la vague néolibérale des années ’80. Supprimer l’indexation automatique des salaires aggraverait évidemment cette évolution et porterait un coup terrible à la redistribution des richesses.
Par ailleurs, d’un point de vue économique, une telle mesure n’a pas de sens. Pour se relancer, l’économie a besoin d’être soutenue par la consommation. Ce n’est pas en réduisant le pouvoir d’achat de dizaines de millions de travailleurs que l’on aidera les entreprises à redécoller.
Tournons plutôt nos regards vers les profits gigantesques engrangés par une poignée de privilégiés, et demandons-nous s’il n’y a pas là quelques robinets à fermer en priorité ! »
Déjà, dans La Libre Belgique le Standaard du 30 novembre 2010, Rudy De Leeuw et Anne Demelenne, président et secrétaire générale de la FGTB, mettaient le monde politique en garde dans un article dont le titre se passe de commentaires: "Ne suivons pas l'Allemagne".
Et toujours à propos de la crise et des politiques d'austérité, il est bien intéressant de constater que des économistes prennent des positions à contre-courant des thèses dominantes (voir le manifeste des économistes atterrés "Crise et dette en Europe: 10 fausses évidences, 22 mesures en débat pour sortir de l'impasse").
J. G. 8 février 2011
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