Place Léopold à Arlon, le 4 mars 2011 : le rouge lui va bien !
Honte sur moi ! J’ai participé à cette erreur historique (ainsi que d’aucuns l’ont qualifiée…).
Elles étaient bien nécessaires ces démonstrations de force dénonçant un accord interprofessionnel imbuvable et les dérives libérales remettant en cause les droits sociaux et les services publics !
« Au nom de la « compétitivité », de l’économie, de la « mobilité », de l’ « autonomie » et de la « responsabilité » individuelles, les règles et les valeurs qui fondaient l’Etat social européen font l’objet d’une déconstruction méthodique. » En quelques mots, Noëlle Burgi (dans son article « Enjeux d’une sécurité sociale universelle », Le Monde diplomatique de mars 2011) a bien résumé la situation.
Mais fallait-il encore succomber à une sorte de « grévitude » idéologique ? « Cette « grévitude » idéologique mine le moral des entrepreneurs et de nombreux salariés, le crédit de notre pays aux yeux des investisseurs et la patience des citoyens . Comme si on avait encore besoin de cela… » (Edito de Vincent Slits, La Libre Belgique du 4 mars 2011).
On croit rêver…
Comme si les manifestants et les grévistes faisaient cela pour leur plaisir et n’avaient à l’esprit que leur petit pré carré…
Comme si la défense d’un modèle d’Etat social et solidaire ne concernait pas l’ensemble de la population et, en particulier, les travailleurs salariés ou indépendants subissant les conséquences de tels mouvements…
Limiter à 10 euros par mois l’augmentation du salaire minimum (qui n’a guère augmenté depuis 1993, si ce n’est grâce à l’indexation…) et la mettre à charge de l’Etat ou de la sécurité sociale…
Reporter à 2012 et limiter à 0, 3% l’augmentation hors index, des rémunérations (des cacahuettes..., alors que les classes dominantes s'enrichissent toujours plus et que bon nombre d'entreprises et de banques engrangent d'importants profits et distribuent de copieux dividendes!)...
Remettre en cause le statut des employés et les modalités de calcul de leur préavis…
Augmenter à peine le préavis des ouvriers et mettre cette augmentation à charge du budget de la sécurité sociale...
Autant d’éléments de l’accord interprofessionnel qui, entre autres mesures, ont motivé la réaction de la FGTB et du syndicat libéral.
Par contre,
- augmenter de manière significative le préavis des ouvriers sans remettre en cause celui des employés ;
- permettre aux organisations syndicales de négocier une augmentation des rémunérations supérieure à 0, 3% dans les secteurs forts, là où les profits engrangés par les entreprises le permettent ;
- ne pas transférer des entreprises vers le budget de l’Etat ou celui de la sécurité sociale (combien de milliards de cotisations sociales en moins pour la sécurité sociale, au profit des entreprises, ces dernières années?) le coût supplémentaire d’un tel accord interprofessionnel:
Autant d’options qui n’ont pas été retenues.
(Une importante délégation de l'organisation syndicale luxembourgeoise OGB-L, conduite par Jacques Delacollette, était présente. Plus que jamais, la solidarité doit dépasser les frontières!)
On sent là tout le poids des libéraux purs et durs, dominés par la N-VA et le Voka, le patronat flamand…
Il est vrai que le monde patronal flamand était surreprésenté à la table des négociations du projet d’accord interprofessionnel…
Pour la droite et les économistes qui en sont les « experts » et dont le discours envahit par trop les médias et cercles de décision, le raisonnement est aussi court que simpliste : l’indexation des salaires entraîne une augmentation des coûts et des prix avec une spirale inflationniste…
C’est oublier que d’autres éléments font partie des coûts et des prix comme le prix des matières premières et, surtout le prix de l’énergie et des mécanismes non maîtrisés de formation des prix.
D’où le débat essentiel enfin relancé (par Paul Magnette notamment) sur la nécessité d’un contrôle réel et efficace des prix et de leur formation. Rien de nouveau pourtant, voir notamment sur ce thème l’article de Thierry Dock du 10 novembre 2009, « l’indexation automatique : un mécanisme précieux mais insuffisant », econospheres.be).
L’indexation des salaires, c’est d’abord une préservation du pouvoir d’achat qui profite tout particulièrement à certains secteurs d’activité forts dépendants de la consommation des ménages.
Stigmatiser l’indexation des salaires, c’est oublier aussi que l’indexation concerne également les honoraires des professions libérales, certains contrats de travaux, etc.
Remettre en cause l’indexation, c’est accentuer encore le fossé qui se creuse entre les revenus du travail et les revenus du capital, au détriment des revenus du travail…
l'évolution salariale conditionne de façon importante la bonne marche de l'économie: bien des observateurs du monde libéral considèrent que la Belgique a mieux résisté à la crise gràce à ses mécanismes " amortisseurs" comme la protection des rémunérations et l'intense solidarité par la sécurité sociale garantissant des revenus décents et un bon soutien à la consommation intérieure. Comment donc, d'un côté, louer notre système et de l'autre,en vouloir la fin? Le monde libéral n'est pas à une contradiction près.
(Serge Carême, président de la FGTB Luxembourg, entouré notamment de Bernard Stoffel et Jean-François Pepin...)
Et puis, il y a le projet de pacte de compétitivité européen défendu par A. Merkel et Nicolas Sarkozy qui, même amendé, risque de faire mal…
Et enfin, il y a chez nous une droite idéologique pure et dure sur le plan socio-économique, conduite par la N-VA et des libéraux du Nord et du Sud, qui se profile derrière le débat institutionnel…
Autant de motifs pour être vigilants et prêts pour un combat syndical d’envergure…
J.Gennen, 11 mars 2011
(Joël Thiry et des responsables de la FGTB, pendant les discours, place Léopold)
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