Jeunesse, délinquance et sécurité

Les problèmes de sécurité à Bruxelles ont eu la cote, ces dernières semaines, dans les médias. Je passe rapidement sur les discours sécuritaires et les critiques d’éditorialistes et hommes politiques flamands toujours prompts à déconsidérer Bruxelles ainsi que les francophones et toujours préoccupés de voir aboutir une réforme des institutions bruxelloises, de police notamment, qui leur donnerait encore plus de pouvoir.

Le discours sécuritaire ne s'est pas fait entendre que du côté flamand et ne vise pas seulement les faits les plus graves ou les bandes armées. Comme trop souvent, des jeunes, des adolescents sont ciblés...

L’évidence à Bruxelles, c’est ce grand nombre de jeunes qui n’ont comme horizon, pour eux-mêmes et leurs parents, que le chômage et des revenus souvent sous le seuil de la pauvreté.Quelles perspectives offre-t-on à ces jeunes? Quel continuum de qualité peut-on leur proposer de l'école à l'intégration professionnelle et sociale? Il n’y a pas photo : c’est une nouvelle question sociale qui émerge à Bruxelles plus encore qu’ailleurs. La crise accentue la précarité socio-économique et la pauvreté, lesquelles peuvent aussi nourrir la violence…

Sans oublier, comme le rappelle Evelyne Huytebroek,  que plus de 90 pour cent des jeunes qui évoluent dans la sphère de l’Aide à la jeunesse sont des jeunes en difficulté, en rupture, en décrochage, en souffrance.

Le discours sécuritaire

Et pour certains, la réponse la plus facile, c'est l'abaissement de l'âge de la majorité à 16 ans, une idée heureusement rejetée par le plus grand nombre. Quant à la tolérance zéro, ce concept aussi séducteur soit-il pour certains, n'en est pas moins « un concept éculé, un concept creux et totalement inapplicable » qui est surtout « la suite logique de la solidarité zéro » (Benoît Van der Meerschen dans le Soir du 3 février 2010).

Pour Thierry Marchandise, Président de l’Association Syndicale des Magistrats, « préconiser la tolérance zéro, c’est proposer une solution simpliste à des situations éminemment complexes » (Le Soir du 4 février 2010).

Et toujours dans le Soir, ce qui nous change un peu de certains de ses éditoriaux faciles et démagogiques, Yvon Toussaint enfonce le clou de belle manière (Le Soir du 12 février 2010) :

« On remarquera que cette formule est, paradoxalement, d’une provocante intolérance. Et que prôner rageusement un comportement répressif excluant toute nuance, toute modulation dans la condamnation comme toute excuse absolutoire au profit d’une sanction robotisée, est non seulement rétrograde mais à l’évidence contre-productif.

D’abord, parce qu’une fois énoncée sa fanfaronnade, le fanfaron se trouve désemparé et bientôt débordé, devant les indigestes pépins de la réalité, c’est-à-dire l’impossibilité de gérer une situation qu’il a lui-même créée, du moins aggravée.
»

Mais il ajoute aussi : « Que les choses soient claires. Les éradicateurs ne nous feront pas le coup du laxisme dont nous vient tout le mal. Si les problèmes de sécurité doivent impérativement être traités dans un climat nettoyé de tous fantasmes, cela n’implique nullement une quelconque dérobade. Et moins encore une débandade, devant l’éventualité d’une insécurité croissante. »

 Une tolérance zéro également dénoncée, de même que l'augmentation des places en IPPJ et l'abaissement de la majorité pénale à 16 ans, par
 le Délégué général aux droits de l'enfant, le Conseil de la jeunesse, le Service Droits des jeunes et la Ligue des droits de l'homme (voir leur communiqué dans la rubrique "Autres nouvelles").

L'option protectionnelle de la Communauté française

Ce mercredi 10 février 2010 en séance plénière du Parlement de la Communauté française, un mini-débat a été consacré une fois de plus à l’aide à la jeunesse et aux IPPJ, sur fond de polémique sur l'absence de places d'accueil en IPPJ pour des adolescents arrêtés le week-end précédent (alors qu'il y en avait, a confirmé la Ministre Evelyne Huytebroek).

Dans ma chronique consacrée à cette séance plénière, je reprends l’essentiel de l’excellente intervention du député PS bruxellois, Bea Diallo.

Dans sa réponse, Evelyne Huytebroek a évidemment souligné la nécessité d’un travail en amont sur la situation socio-économique de certains quartiers et la nécessité d’un travail de prévention et de lutte contre le décrochage scolaire.

La Ministre a rappelé l’option protectionnelle de la Communauté française en faveur des jeunes délinquants et quelques pistes de travail et priorités :

-          réserver l'enfermement aux cas les plus graves et veiller à ce que les juges recourent plus fréquemment aux mesures alternatives à l'enfermement (comme les prestations éducatives et d’intérêt général et les offres restauratrices comme la médiation entre auteur et victime, la concertation en groupe ou l’obligation d’un suivi éducatif ou médico-psychologique);

-          pour le jeune accueilli dans un IPPJ (dont près de la moitié n’ont pas obtenu le CEB), veiller à ce que la mesure de placement ne contribue pas au décrochage scolaire ou ne l’accentue pas et rechercher une collaboration étroite avec les écoles d’où proviennent les mineurs ou qu’ils intégreront à l’issue de leur placement ;

-          revoir le fonctionnement et l’efficacité de la Cellule d’Information, d’Orientation  et de Coordination (la CIOC);

-           garantir une prise en charge adéquate des jeunes présentant des problèmes spécifiques comme les mineurs non accompagnés, les handicapés ou encore ceux qui présentent des troubles psychiatriques ou sexuels.

Et Evelyne Huytebroek de conclure : " Nous devons offrir d’autres perspectives aux jeunes que des slogans vains tels que « tolérance zéro » ou « snelrecht ». Ils ne font qu’exacerber les tensions et vont à l’opposé des politiques que nous entendons mener ."

Quelques questions doivent trouver une réponse rapidement :

-          N’y a-t-il pas, dans les IPPJ, trop de jeunes qui n’y ont pas leur place et qui pourraient bénéficier de mesures alternatives ?

-          La solution « IPPJ » n’est-elle pas parfois proposée trop "facilement" par certains délégués ou certains magistrats, dans le souci de réagir vite, de donner des repères-sanctions, en fonction de l'émotion du moment ?

-          Certaines institutions du secteur privé jouent-elles vraiment le jeu ? Ne sélectionnent-elles pas les prises en charge en utilisant de manière abusive certains critères d'accueil ?

-          Quand résoudra-t-on enfin les problèmes informatiques de la CIOC, ne serait-ce que les problèmes d’encodage (notamment de l’entrée et de la sortie des jeunes), ce qui contribuerait à une meilleure connaissance des places disponibles dans les IPPJ ?

-          Ne privilégie-t-on pas des services qui accueillent à très court terme, qui font du diagnostic plus ou moins pertinent alors qu'il y a trop peu de services à même d'assurer des prises en charge ambulatoires sur le long terme?

-         quels moyens supplémentaires dégagés pour un travail éducatif et d'accompagnement sur le long terme notamment avec les jeunes en rupture ?

Poser ces questions, c'est y répondre, diront certains. Elles ne sont que le fruit de discussions avec des travailleurs du secteur de l'aide à la jeunesse, lesquels me disent aussi leur souhait de voir renforcer les équipes de suivi intensif auprès des jeunes « en rupture », en risque de marginalisation (avec délinquance).

Il faut plus d'équipes pour un travail intensif dans le milieu de vie, des équipes qui ne sont pas effrayées par la marginalité, par certains grands ados remuants qui naviguent entre psychiatrie et délinquance, dont les familles vivent dans des conditions morales et matérielles difficiles... Des équipes qui peuvent travailler avec l'errance, avec des objectifs minimalistes... Parce que ce sont des jeunes qui trouveront difficilement leur place dans des institutions.  Il faut travailler là où ils sont, avec leurs conditions de vie telles qu’elles sont, sans exigences préalables.

A cet égard, le projet "Octogones" et ses équipes peuvent être cités en exemple.

A l’évidence, rien n’est simple mais il n’y a pas que des aspects d’ordre budgétaire qui conditionnent les réponses à certaines questions.

Je me souviens des débats auxquels j'ai activement participé au Parlement de la Communauté française et de la motion que j'ai défendue le 23 mai 2007, avec mon collègue Damien Yzerbyt, au nom de la majorité de l'époque, au terme de nombreuses auditions et rencontres avec le secteur de l'aide et de la protection de la jeunesse.

 Voici ce que j'écrivais sur mon site (jacquesgennen.be) le 23 mai 2007:

" La motion déposée par les deux groupes politiques de la majorité s’inscrit dans une approche éducative, pédagogique et protectionnelle avec un objectif de responsabilisation et de réinsertion sociale.

Elle tient compte notamment des positions exprimées par les magistrats de l’aide à la jeunesse et du plan gouvernemental de l’aide à la jeunesse.

Elle reconnaît le travail de qualité des acteurs de terrain et particulièrement au sein des IPPJ. Elle rappelle la nécessité du travail en amont et notamment dans le milieu scolaire.

Elle cible notamment dans la continuité du travail de la ministre et du gouvernement, un certain nombre de priorités relatives à l’augmentation de la capacité de la prise en charge de différents services, aux moyens budgétaires nouveaux à mettre en œuvre, à la réforme de la CIOC, aux besoins en statistiques et autres données, à l’évaluation des durées de placement et de projets pédagogiques, à la nécessité de prises en charge adaptées pour certains jeunes et aux besoins du personnel et des services.

Quelques « maîtres-mots » sous-tendent la motion : « intégrer », « réinsérer », « éviter les ghettos », « ne pas stigmatiser », « responsabiliser sans exclure la sanction la plus appropriée »
."

Une motion qui est toujours d'actualité même si, depuis son adoption, des mesures ont été prises par Catherine Fonck et le Gouvernement de la Communauté française, sous l'ancienne législature, pour renforcer notamment les effectifs des services d'aide à la jeunesse et des services de protection de la jeunesse.

J'invite celles et ceux qui le souhaitent, à relire mes interventions sur le thème de l'aide à la jeunesse et des IPPJ, dans mes chroniques (jacquesgennen.be) ou dans les comptes-rendus parlementaires (notamment des 23 mai 2007, 11 mars 2008 et 21 octobre 2008).


(C'est heureusement la seule agression dont j'ai été victime, il y a quelques années, à Bruxelles)

J.G., le 18 février 2010

 


 

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Agenda

  • 07-04-2013

    C’était le dimanche 7 avril 2013. Jean Maquoi, le frère du docteur Luc Maquoi à l’origine du Centre Médical Héliporté de Bra-sur-Lienne, ne cachait pas sa joie et son émotion : le soleil et près de 2000 personnes avaient répondu à l’invitation de son comité organisateur.

    Plus de 850 repas ont été servis à cette occasion !

    Jean Maquoi et son équipe peuvent compter sur 130 bénévoles, sur la collaboration des pompiers de Hamoir et de la police fédérale de même que sur l’aide d’entreprises de transport et d’autres firmes de la région.

    L’intégralité des bénéfices de cette belle manifestation est versée au CMH de Bra-sur-Lienne.

  • 04-01-2013 - 30-01-2013

    Le CMH de Bra-sur-Lienne a les honneurs d’une exposition photographique « Au coeur d’une zone rouge », à la Maison du Tourisme du Pays de Herve.

    On peut y admirer les superbes photos réalisées par Valentin Bianchi lors d’interventions réelles du CMH (en 2012, le CMH est intervenu plus de1000 fois !).

    Excellente idée que cette belle exposition car elle fait vivre au quotidien et sur le terrain les interventions d’un trio de choc : le médecin spécialiste, l’infirmier spécialisé en aide médicale urgente ainsi que le pilote de l’hélico.

A votre bonne attention

  • Voici quelques informations communiquées par le CMH de Bra-sur-Lienne.

    Trois interventions héliportées par jour !

    Au cours de l’année 2012, le Centre Médical Héliporté de Bra-sur-Lienne a réalisé 1028  missions par hélicoptère à la demande du 112.

    Pour la seconde année  consécutive, le CMH dépasse le seuil des 1000 interventions héliportées. Cette donnée confirme la place de l’hélicoptère dans les moyens de secours disponibles en Belgique.

  • Le best-seller surprise qui secoue la Flandre enfin traduit en français

    « Comment osent-ils ? La crise, l’euro et le grand hold-up » de Peter MERTENS (président du PTB) en collaboration avec David Pestieau, avec une préface de Dimitri Verhulst (Auteur de La merditude des choses). Quelques syndicalistes l’ont déjà lu et vous le recommandent.

    « Peter Mertens, comme nous, a raison de s’étrangler d’indignation dans son livre sur “La crise, l’euro et le grand hold-up”. (…) Oubliés le sauvetage des banques, les causes de l’endettement et de la crise. Ils ont réussi a retourner la situation et ils essaient maintenant de nous convaincre que tout cela, c’est notre faute : on gagne “trop”, notre sécu est “trop généreuse”, nos pensions “impayables”, nos services publics “pléthoriques”, nos chômeurs “paresseux”. (…)

  • Je lis sur ma page d’accueil Facebook les témoignages de Renée Gaspard, Patrick Davin, Gaston Blanchy, Jean-Claude Marcourt, Jean-Pierre Alexandre, Nathalie Bailly, André Brunelle, Christelle Thomas et de tant d’autres.

    Que dire encore ? Nos pauvres mots ne peuvent pas suffire devant ce terrible drame et tant de souffrance…

    Nous ne pouvons qu’exprimer notre révolte mais aussi notre empathie, notre solidarité. Au moins, elles n’ont pas de frontière même linguistique !
    J.G., 14 mars 2012

Copyright La chronique parlementaire 2009 - Editeur responsable Jacques Gennen

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