La Communauté française (enfin, la Fédération Wallonie-Bruxelles…) vient de fêter son 40e anniversaire.
C'est l’occasion pour moi de m'interroger une fois de plus sur son avenir.
Je ne voudrais cependant pas commencer cet éditorial sans saluer le remarquable travail du Formateur Elio Di Rupo. Il n'était pas évident du tout d'obtenir des huit partis autour de la table, un accord institutionnel d'envergure sur la scission de BHV, la loi de financement, les transferts de compétences et le refinancement de la Région de Bruxelles-Capitale (dont le statut régional ne semble plus mis en cause)!
Certes, ils sont et seront, notamment sous l'angle des moyens financiers transférés, sujets à discussion. Et il y aura encore bien des pierres d'achoppement lorsqu'il s'agira de peaufiner les textes. On vient de le voir à propos des droits judiciaires des Francophones de la périphérie...
Ces accords auront au moins le mérite de donner quelques années de répit, le temps peut-être pour les Wallons et les Bruxellois d'être plus forts avant un dernier détricotage des solidarités fédérales.
Et il y a aussi le programme socio-économique qui risque bien de faire la part belle aux revendications de la droite. On en reparlera…
Si les négociations en cours aboutissent enfin, il appartiendra aux Francophones de clarifier et simplifier leurs institutions afin de permettre que des paquets cohérents de compétences ou en tout cas leur exercice, soient transférés aux régions.
C'est le mercredi 25 mai 2011 que le Parlement de la Communauté française a adopté à l'unanimité la proposition de résolution relative à l'utilisation de la dénomination « Fédération Wallonie-Bruxelles » dans les communications de la Communauté française.
C'est la suite logique de la déclaration des ministres-présidents de la Communauté française et de la Wallonie ainsi que de la Région bruxelloise du 16 avril 2008 en faveur d'une Fédération Wallonie-Bruxelles « mettant, comme le rappelle la résolution, à la fois en évidence les réalités régionales et la solidarité francophone à travers un trait d’union institutionnel fort doté d'institutions politiques et de compétences propres »…
Une opération qui n'est pas tout à fait légale dans la mesure où il faut changer la Constitution. Dans les textes et documents officiels, c'est la dénomination « Communauté française » qui subsistera tandis que dans les propos, les écrits, les communiqués de presse et autres opérations de communication, c'est la dénomination « Fédération Wallonie-Bruxelles » qui apparaîtra.
Une fédération un peu factice aussi car le propre d’une fédération, c’est de gérer des compétences qui lui ont été déléguées, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
Qui plus est, elle n'est pas compétente pour les Germanophones ni pour les Flamands de Bruxelles.
Et pourtant, lorsque j’étais parlementaire, je me suis réjoui de la confirmation du fait régional wallon et du fait régional bruxellois de même que de la solidarité "intrafrancophone" par le biais de la nouvelle dénomination (qui était aussi une réponse du berger francophone à la bergère flamande).
Cette affirmation du fait régional reposait notamment sur l’intéressante résolution institutionnelle adoptée à l’unanimité des partis démocratiques en avril 2008 au Parlement wallon. Je vous renvoie aux débats de mars, avril et mai 2008…
Mais voilà, cette dénomination me paraît de plus en plus ambiguë !
Le Mouvement du Manifeste wallon, sous la signature de François ANDRE, Michel GIGOT, Jean-Pierre LAHAYE, Jeanine LARUELLE, Jean LOUVET et Yves WEZEL, a dénoncé à sa manière l’équivoque d’une telle appellation.
Je vous livre tel quel un extrait de leur prose : « … la formulation bi-régionale choisie pour désigner la nouvelle fédération pourrait bien n’être qu’un vrai « miroir aux alouettes ». Les appellations « régionales » utilisées s’inscriraient en réalité, bien plus dans un schéma communautariste d’une Belgique recomposée plutôt que dans un schéma authentiquement multi-régional de cette Belgique ou post-Belgique de demain. Autrement dit, contrairement aux apparences, ladite « fédération » ne ferait en fait qu’annoncer l’avènement prochain d’une Néo-Macro-Communauté !... »
L’affaire serait donc pliée ? Il serait temps de voir les régionalistes se réveiller ! Il est heureux de voir une personnalité comme Jean-Claude Marcourt réaffirmer la prépondérance des régions.
Beaucoup d’initiatives ont été prises ces dernières années pour renforcer une vraie conscience régionale en Wallonie. Il y a bien sûr le Plan Marshall et le Plan Marshall 2. Vert, les points d’appui d’un vrai projet wallon pour un renouveau économique et social.
Il y a aussi l’appellation « Wallonie » au lieu de « Région wallonne », la création du mérite wallon, l’adoption d’un logo wallon avec le coq hardi de Paulus, la confirmation, s’il en était besoin, de Namur comme capitale de la Wallonie, etc.
Mais c’est insuffisant. Il faut que la transparence, la cohérence, la visibilité et l’efficacité des institutions contribuent, elles aussi, à forger un sentiment d’appartenance et une identité wallonne trop longtemps galvaudés par bon nombre d’hommes politiques wallons…
(Jean Louvet, le grand dramaturge wallon, officier du mérite wallon...)
Il est donc indispensable de faire de la Communauté française (enfin, de la Fédération Wallonie-Bruxelles) une institution essentiellement réservée à la définition d’objectifs communs et des moyens pour y parvenir, tout en transférant l’exercice d’un maximum de ses compétences aux régions.
Une gestion efficace et une action cohérente en prise avec les réalités socio-économiques de chaque région y gagneraient avec des régions disposant de compétences homogènes dans des domaines comme l’enseignement, la formation professionnelle, la recherche, la culture, la petite enfance, la prévention et la promotion de la santé ou encore la problématique santé-environnement.
Ne prenons que l’exemple des compétences en matière de promotion et de prévention de la santé.
L’aide et les soins à domicile, la politique des personnes âgées et des personnes handicapées, la santé mentale, le planning familial, certains aspects de la politique de dispensation des soins dans et en dehors des institutions de soins, etc. : les compétences dans ces matières sont exercées par la Wallonie.
La Communauté française (enfin, la Fédération Wallonie-Bruxelles) reste compétente notamment pour la promotion et la prévention de la santé.
Le moins que l’on puisse dire est qu’il faut revoir la donne.
En séance plénière du Parlement de la Communauté française du 8 juin 2011, les députés Jacques Morel, Sophie Pécriaux, Chantal Bertouille et Véronique Salvi ont interrogé la Ministre Fadila Laanan à propos du rapport d'évaluation des dispositifs de santé en Communauté française.
Ce rapport dénonce l’absence de cohérence des politiques, le manque de planification et de coordination, la dispersion des moyens, l’absence de visibilité des services et de lisibilité des textes…
Sans doute comporte-t-il des inexactitudes, des oublis et l'une ou l'autre erreur de méthodologie. Il n'empêche: certains constats tombent sous le sens pour qui a un peu pratiqué la Communauté française (enfin, la Fédération Wallonie-Bruxelles) et ses services...
Dans sa réponse, la Ministre a notamment indiqué que pour coordonner et organiser les politiques, elle envisageait de créer un organisme spécifique…
Tandis que pour rendre les dispositifs lisibles et transparents, elle comptait rassembler les textes dans un code de la santé de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
A l’évidence, cela ne suffira pas !
Même les députés ne s’y retrouvent pas toujours ou font en tout cas semblant de ne pas s’y retrouver en interrogeant parfois quasiment sur les mêmes thèmes nos deux ministres de la santé (Eliane Tillieux pour la Wallonie et Fadila Laanan pour la Fédération Wallonie-Bruxelles).
Il faut dans ces domaines de compétences régionaliser au maximum et l’occasion en sera donnée dans la foulée de l’accord institutionnel présenté ce mardi 11 octobre 2011.
On parle surtout de transferts aux communautés et non aux régions parce que la Constitution réserve aux communautés les compétences en matière d’aide aux personnes et certaines compétences en matière de santé telles qu’elles sont arrêtées par la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980.
Mais, comme on le sait, l’article 138 de la Constitution permet aussi le transfert de l'exercice de compétences de la Communauté française à la Région wallonne et à la Commission communautaire française (la COCOF) de la Région bruxelloise.
L’article 138 a déjà été mis en œuvre en 1993, dans la foulée de l’accord de la Saint-Quentin conclu entre partis francophones le 31 octobre 1992 pour transférer l’exercice de certaines compétences en matière de santé et d’aide aux personnes de la Communauté française, à la Région wallonne et à la COCOF, tout en permettant à la Communauté française de conserver une partie des moyens financiers.
La mise en œuvre du transfert de certaines compétences restées fédérales en matière de santé nécessite bien entendu une intervention du législateur.
Il est question, dans le nouvel accord institutionnel, de transférer des compétences restées fédérales concernant:
- la programmation et certains modes de financement des maisons de repos, maisons de repos et de soins, centres de soins de jour et de court séjour ;
- les infrastructures hospitalières, la programmation et le financement de certains services relevant notamment de la psychiatrie ;
- la vaccination et certains programmes de dépistage et de prévention (cancers, assuétudes…) ;
- l'organisation de la médecine générale, les soins palliatifs… ;
- les conventions de revalidation ;
- l'aide aux personnes handicapées (principalement les allocations) ;
- etc.
Ces compétences, pour l’essentiel en tout cas, de même celles relatives à la prévention et à la promotion en matière de santé, devraient, dans un souci de cohérence et d’approche systémique des problématiques de santé, être gérées par les Régions.
La FGTB wallonne a tiré la sonnette d'alarme à plusieurs reprises pour dénoncer deux aspects importants de l’accord institutionnel :
1. le nouveau mécanisme de solidarité impliquant l’Etat fédéral et les entités fédérées dégagera moins de moyens que le précédent système ;
2. le transfert des nouvelles compétences ne sera pas accompagné d’un transfert de moyens financiers suffisants…
Sans compter les conséquences de la politique d’austérité qui nous pend sous le nez…
Raison de plus pour régionaliser (et donc rationaliser, pour à tout le moins conserver un minimum de moyens budgétaires et d’efficacité) les compétences dites « communautaires » en matière de santé…
Jacques Gennen
11 octobre 2011
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