La nouvelle loi sur les sanctions administratives communales a été adoptée et publiée au Moniteur belge. Elle entrera en vigueur le 1er janvier 2014. Voici ce que je publiais au moment de l'adoption de l'avant-projet de loi par le Gouvernement fédéral...
(Le Gouvernement fédéral vient d'adopter l'avant-projet de loi relatif aux sanctions administratives. Les communes pourraient donc être de plus en plus impliquées dans une politique répressive accentuant la confusion des rôles comme l'a relevé le conseil d'administration de l'Union des Villes et Communes Wallonnes dans son avis.
Vous trouverez ci-dessous le cri d'alarme de Christine Mahy qui dénonce, avec son coeur grand comme ça, une dérive politique inadmissible.. Vous trouverez également à la suite de son texte, des liens utiles vers l'avis du Délégué général aux droits de l'enfant et vers l'avis de l'UVCW.
Le texte doit encore être soumis au Conseil d'Etat et ensuite, faire l'objet d'un débat public au Parlement fédéral. Tout n'est pas perdu... J. Gennen)
La jeunesse est en danger, la démocratie est en danger... et c'est l'Etat qui les met en danger !!!
(Christine Mahy)
« Mesdames et Messieurs les Politiques, tous les Politiques,
La Jeunesse est en danger, la démocratie est en danger, vous devez avoir le sursaut de La Justice, maintenant !
C'est maintenant qu'il faut agir pour ne pas laisser détricoter notre système de justice des mineurs. Les instruments actuels dans les secteurs de l'Aide à la jeunesse et de la justice existent pour que l'équité dans le traitement des mineurs soit effective.
Les amendes administratives entraînent l'arbitraire et délitent un peu plus le lien de confiance entre les citoyens et l'état. La prévention, l'accompagnement et la mise en projet des jeunes sont les meilleurs instruments pour que les ceux-ci intègrent qu'ils sont un maillon respectable de la société et qui peut respecter.
Par ailleurs n'oublions pas "qu'il faut que jeunesse se fasse" a aussi besoin d'exister aussi sans quoi on sait que cela peut avoir des conséquences négatives longues durées.
Le paradoxe de la nécessité de la transgression dans une société organisée est nécessaire à la construction dans la vie. Chacun le sait. Et que dire de telles sanctions dans des ménages appauvris par l'organisation de la société, parmi lesquels, pas plus ni moins que dans d'autres, il faut que jeunesse se fasse ?
On ne peut pas tolérer "que jeunesse se fasse" contribue aussi à appauvrir. Mais ce monde va-t-il ouvrir les yeux ! Hier le carnaval était la transgression nécessaire et réelle d'un moment, aujourd'hui les carnavals sont marchandisés... Hier l'adolescence "avait le droit d'être" aujourd'hui elle est criminalisée... Hier et encore aujourd'hui l'Aide à la jeunesse et la justice pour les jeunes étaient/sont intelligemment conçues... alors, sauvons ce qui est juste !
Défendons ce qui a été construit avec intelligence et patience, sauvons ce dans quoi des professionnels s'investissent depuis des années, renforçons ces lieux-là de justice au lieu de créer l'injustice administrative qui va engendrer sans nul doute du "muselé-violent"... et là bonjour les dégâts durables au service du délitement de la démocratie.
Un sursaut messieurs les politiques s’il vous plaît, un sursaut presque de bon sens tout simplement. Vous pouvez encore décider de redresser la barre, et reconnaître qu’on s’est trompé est un élément très très éducatif quand on le fait à temps. Pensez à votre rôle de "père sociétal" par comparaison au vôtre peut-être dans votre famille... réprimer l'opposition au père sans la laisser être pour qu'elle prenne sens et qu'il soit possible d'en faire quelque chose de la bonne façon au bon endroit conduit rarement à du positif… n’est-ce pas ?
Autant je pense que la Justice doit évoluer encore et encore pour être une Justice pour tous, organisée de façon humaine, autant ce qui est bon en elle doit être consolidé. Autant je pense qu’il faut encore et encore travailler à la proximité directe de terrain dans les projets avec les jeunes et dynamiser plus encore les équipes, autant je pense que les bons outils de la prévention existent mais qu’il faut les renforcer et leur permettre de s’outiller. Autant il y a encore du progrès à faire dans l’Aide à la jeunesse, autant il faut reconnaître un énorme travail de sens et de qualité mis à l’œuvre depuis plusieurs années.
Alors, équipez-les plus et mieux ces acteurs-là … c’est comme cela que vous ferez œuvre d’intelligence et de démocratie … pour des résultats longs termes ! Long terme, long terme… et pas terme de mandats.
Dites-moi comment les communes, à travers la sanction, vont remplacer tout cela ? Dites-moi comment « il faut que jeunesse se fasse » va être évalué à Bruxelles, à Fauvillers, à La Louvière, à Durbuy, à Lasne, à Charleroi, à Sart-Bernard, à Libin, à ….
Dites-moi comment les communes, à travers la sanction, vont évaluer qu’un jeune aurait bien besoin d’autre chose que la sanction pour se sentir bien dans sa peau et prouvez-moi que cette manière de faire ne va pas lui fermer le chemin pour aller vers les réels acteurs de l’accompagnement dont ils auraient besoin…
Dites-moi comment les communes, à travers la sanction, vont développer l’esprit de citoyenneté plutôt que l’esprit d’injustice exprimé ou ravalé qui laisse des traces…
Dites-moi comment les communes, pour l’organisation de la sanction, vont faire pour former les sanctionnateurs à pouvoir évaluer si « putain » adressé à telle personne dans tel contexte est une insulte, de l’humeur, un ras le bol, une baliverne ou quelque chose de sérieux… à partir de quel moment tel tag à tel endroit est trop grand, assez petit, mal localisé, bien localisé, embellit ou enlaidit, a été fait pour transgresser ou pour pouvoir prendre la parole ou pour détruire ou pour dire j’existe….
Dites-moi comment les communes, à travers la sanction, vont faire pour expliquer que le sanctionnateur devra peut-être faire du chiffre pour ramener dans le giron communal la somme nécessaire à payer son complément de salaire…
Si cette législation passe et est mise en application… il ne fera pas bon être jeune demain, il ne fera pas bon être sanctionnateur demain, il ne fera pas bon être commune demain…
Si cette législation passe, la perte démocratique sera dure car l’Etat actera alors la perte de confiance qu’il a dans de très bons outils de la Justice et de la Jeunesse et donc de la démocratie, en investissant au mauvais endroit de la mauvaise façon. Et oui les résultats seront lamentables à n’en pas douter, et oui l’Etat sera responsable d’avoir fait un pas de plus vers le délitement sociétal.
Il n’est pas trop tard pour vous ressaisir, mesdames et messieurs les élus du Peuple. Donnez-nous envie d’avoir confiance en vous. Soyez sérieux, vous avez fait votre jeunesse !!! »
Christine Mahy, 15 décembre 2012
Extrait de l'avis de l'UVCW:
« ... il est important de ne jamais oublier quels sont les rôles que chaque niveau de pouvoir doit jouer, quelles sont ses responsabilités et ses compétences. La police de proximité se doit de constater les infractions, la Justice se doit de les sanctionner de manière efficace. Quant aux villes et communes, elles peuvent simplement apporter leur aide dans une certaine mesure afin de sauvegarder l'ordre public.
Historiquement, l'introduction du régime des sanctions administratives communales devait permettre aux communes de sanctionner rapidement les "petites" infractions à l'ordre public, lesquelles étaient déjudiciarisées pour l'occasion. L'introduction d'infractions nouvelles (parfois étrangères à l'ordre public, parfois d'une gravité certaine) et de règles de procédure inspirées de la procédure pénale font que le régime des SAC laisse progressivement la place à l'instauration d'un corps de règles répressives parallèles au Code pénal. »
Extrait de l'édito de Hugues Dorzée (Le Soir du Vendredi 14 décembre 2012):
« Au bout du compte, cet avant-projet de loi est à la fois symbolique (rassurer l'opinion) et palliatif (soigner sans guérir). Il permet surtout de déplacer les nombreux problèmes d'incivilité, certes préoccupants, d'une justice engorgée vers des municipalités aux pouvoirs de sanction soudainement élargis. Chaque commune agissant à sa guise. Ce qui, en termes d'égalité de droit et de séparation des pouvoirs, pose là aussi question. »
(Il y a quelquefois de bons éditos dans le Soir... J.G.)
Extrait de l'opinion publiée dans La Libre Belgique du 12 janvier 2012 par Bernard DE VOS, Délégué général aux droits de l’enfant, Bruno VANOBBERGEN, Kinderrechtencommissaris, Alexis DESWAEF, Président de la Ligue des droits de l’homme, Denis LAMBERT, Directeur général de la Ligue des familles et La CODE (Coordination des ONG pour les droits de l’enfant) :
« Le projet de loi proposé par la ministre de l’Intérieur provoque aussi une rupture radicale avec la vision actuelle du droit de la protection de la jeunesse qui se fonde sur une majorité pénale fixée à 18 ans. Il y a bien l’exception du dessaisissement possible entre 16 et 18 ans, mais la conception dominante est que les jeunes de moins de 16 ans ne peuvent être jugés selon le droit pénal ordinaire.
Cette vision selon laquelle les mineurs ne sont pas considérés comme des mini-adultes, mais en fonction de leur spécificité propre, est notamment ancrée dans la Convention internationale relative aux droits de l’enfant (CIDE).
On vide ce principe de son sens, de facto, en faisant sortir, dans un premier temps, certains comportements du Code pénal ou en les qualifiant infractions
mixtes, et, dans un deuxième temps, en permettant de rendre punissables ces comportements aussi à l’égard desmineurs demoins de 16 ans. »
Deux liens utiles:
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