Ras-le-bol, oui, j’en ai ras-le-bol de lire et d’entendre des appels au bon sens adressés au monde politique sans distinction aucune ! Les représentants patronaux invitent le monde politique à se ressaisir, à donner la priorité à l’économique et au social.
N’était-ce pas précisément la priorité des ministres francophones ?
Francis Van de Woestyne dans son édito de La Libre Belgique du 23 avril 2010 se demande si on trouvera encore dans un mois, dans un an « des hommes responsables, au Nord et au Sud du pays, pour conclure des accords équilibrés et négociés ».
Faut-il donc mettre dans le même sac, hommes politiques francophones et hommes politiques flamands ? Et, en lançant ces appels au bon sens et au sens des responsabilités, faut-il laisser croire aux francophones qu’ils ont affaire à des hommes politiques irresponsables ?
Certes, Olivier Maingain a mis de l’huile sur le feu. Passons… en regrettant qu’une forme de jusqu'au-boutisme occulte la légitimité du combat du FDF pour la reconnaissance de droits élémentaires aux francophones de la périphérie bruxelloise.
A l’évidence, Jöelle Milquet pense à son électorat bruxellois et en remet une couche quand elle le peut tandis que Didier Reynders, toujours préoccupé d’être le premier, se garde bien de prendre ses distances avec Olivier Maingain.
Il n’empêche : les présidents des 4 partis francophones étaient prêts à laisser quelques-unes de leurs revendications au vestiaire et à avaler quelques couleuvres de plus pour en terminer avec BHV.
L’Open-VLD ne leur en a pas laissé le temps.
Sur fond de surenchère nationaliste entre partis flamands et de calculs électoraux, la nouvelle direction des libéraux flamands a, par son ultimatum, fait sauter le Gouvernement. Histoire d’apparaître comme les bons Flamands qui ont refusé aux francophones des concessions inacceptables et de jouer ainsi 5 lignes au CD&V…
On ne peut pas oublier que les sociaux-chrétiens flamands ont été, dans un passé récent, jusqu’à faire cause commune avec la NV-A, parti nationaliste et indépendantiste.
Ce sont eux (Yves Leterme et Herman Van Rompuy en tête…) qui ont pris l’initiative de déposer la proposition de loi scindant l'arrondissement de Bruxelles-Hal-Vilvorde et de la faire adopter en force, majorité flamande contre minorité francophone, en commission parlementaire.
Le 22 avril 2010, sans plus de façon juridique ou autre, les sociaux-chrétiens flamands étaient parmi les premiers à vouloir faire adopter cette proposition de loi en séance plénière!
Le CD&V était-il réellement prêt à faire de réelles concessions ? Des petites, peut-être; des provisoires, sûrement, le temps de passer le cap de la présidence européenne et d’engranger le bonus des prestations médiatiques d’Yves Leterme et d’Herman Van Rompuy.
Et il faudra quand même négocier au lendemain des élections en ne perdant pas de vue qu’il y a longtemps que le combat flamand n’est plus seulement linguistique et culturel mais qu’il est aussi d’ordre économique, fiscal et social.
Michel Quévit décrit très bien dans son nouveau livre "Flandre - Wallonie Quelle solidarité ? (De la création de l’Etat belge à l’Europe des Régions)" aux éditions Couleur Livres la manière dont la Flandre a exploité à son profit les ressources de l'Etat et la "désolidarité nationale" qu'elle a appliquée lorsque la Wallonie a été frappée par la crise économique.
A l’évidence, la nouvelle réforme de l’Etat sera lourde et coûteuse. Elle risque bien de remettre en cause certains pans de la solidarité fiscale et de la sécurité sociale.
(Les francophones choisiront-ils le bon chemin? Les règlements de compte marquent déjà le début de la campagne électorale... Photo: le chemin de Folon, au Parlement wallon)
On sait à quelle sauce les Flamands veulent nous manger.
Il suffit de relire les résolutions du Parlement flamand de mars 1999 et la déclaration gouvernementale complémentaire du 18 mai 2005 adoptée par un Gouvernement flamand dont Yves Leterme était le ministre-président.
Tout y est (et tout n'est pas bon à prendre !) : la scission de BHV bien entendu, le confédéralisme, la disparition de Bruxelles-Capitale comme région à part entière (et sa gestion, sous statut spécifique par les Flamands et les Francophones, sur pied d’égalité), la régionalisation quasi complète des télécommunications, du transport, des infrastructures ferroviaires, des soins de santé, des allocations familiales et de la politique de l’emploi (y compris l’utilisation des allocations de chômage comme levier en matière d’emploi), une large autonomie fiscale et financière, etc., etc.
Sans doute, certains ont-ils eu tort de sous-estimer la détermination flamande… Mais bon, c’est parfois un peu facile de s’en tenir, après coup, à des « y avait qu’à ».
Nul doute que les états-majors des partis francophones et leurs conseillers étudient depuis un certain temps tous les scénarios possibles.
Bon, accrochons-nous, sans tomber dans le catastrophisme qu’on retrouve trop souvent dans les médias !
Comment ne pas penser à Samuel Becket, dans Fin de partie ("la fin est dans le commencement et pourtant, on continue")?
J. Gennen, 2 mai 2010
Copyright La chronique parlementaire 2009 - Editeur responsable Jacques Gennen
Site développé par Tictemium