La question de la délinquance juvénile a de nouveau fait l'objet d'un débat, en séance plénière du Parlement de la Communauté française. Je l'évoque dans la rubrique "Actualité et médias".
Qui a pu dire, à cette occasion: "Nous sortons de cinq années d’une gestion ponctuelle du secteur de la Jeunesse, alors qu’il revient à la Communauté française de donner des réponses appropriées à la délinquance juvénile.
Je ne me suis jamais entendue sur ce sujet avec votre prédécesseur, Mme Fonck, qui a sensiblement changé son discours depuis qu’elle a été victime d’un vol de sac à Bruxelles.
Je ne vous souhaite pas pour autant d’être agressée pour modifier vos points de vue et pour régler la question de la prise en charge des mineurs délinquants en Communauté française.
Un système selon lequel les jeunes ne peuvent rester longtemps en IPPJ parce que les places y sont peu nombreuses, peut être comparé à une gestion des stocks. Je déteste voir pratiquer une politique d’incentive : on promet monts et merveilles aux jeunes – des sorties, du foot par exemple – pour qu’ils se tiennent tranquilles et puissent, après que le juge en est averti, quitter l’IPPJ. On passe ainsi à côté du travail de fond."
Qui donc a pu s'exprimer ainsi, sous la ligne de flottaison de l'élégance et du raisonnement de qualité? Françoise Bertieaux, Députée MR, dans une intervention émaillée d'accents bien sécuritaires (que quelques réflexions intéressantes sur la CIOC et l'évaluation des services notamment, ne font pas oublier...)...
Je ne peux que recommander à Françoise Bertieaux une rencontre avec Jean-Marc Mahy ("UN homme debout" , du 2 au 6 mars à l'Ancre, à Charleroi, du 9 au 12 mars à la Maison de la culture de Tournai et du 15 au 19 mars au Théâtre national à Bruxelles).
Heureusement, Bea Diallo, Député PS bruxellois, s'est exprimé à la suite de la Députée MR et a pu relever le niveau...
Bea Diallo: " Sur le plan statistique, une étude récente de l’Institut national de criminalistique et de criminologie montre une diminution constante de la délinquance chez les jeunes, en particulier chez les mineurs d’âge.
(...)
Le phénomène de la délinquance chez les jeunes n’a pas l’ampleur que l’on veut lui donner. Il est marginal et ne concerne qu’une infime partie des jeunes. La part des infractions commises par les mineurs ne représente qu’une partie minuscule de l’ensemble des infractions. Il serait plus opportun de parler de délinquance dans son aspect global plutôt que de stigmatiser les jeunes. (...) Les faits graves sont extrêmement rares.
Une réaction ferme et responsable est certes nécessaire contre les auteurs de faits graves et les délinquants multirécidivistes, jeunes ou non. Sur cette question, je suis d’accord avec les orateurs précédents et je pense qu’il faut des outils adéquats.
(...)
Nous devons prendre du recul et relativiser les informations fournies par les médias. La presse rapporte plus souvent les faits tragiques que les événements heureux. Il ne faut pas jamais confondre le sentiment d’insécurité et l’insécurité en tant que telle. Il est indispensable d’objectiver la situation en se fondant sur des chiffres et des faits précis.
(Bea Diallo au Parlement de la Communauté française. Photo d'archives)
À cet égard, mon groupe est ouvert à tout débat serein, sans tabou, sur les réformes possibles, pour autant qu’elles s’appuient sur des données objectives. Je ne pense pas que réagir avec émotion à une actualité dramatique soit la meilleure attitude.
Je ne pense pas non plus qu’investir avant tout dans la répression, en particulier auprès des jeunes, puisse produire autre chose que l’inverse de l’effet attendu. La tolérance zéro est un leurre ! Selon Loïc Wacquant, sociologue français de l’Université de Berkeley en Californie, elle place les problèmes sociaux sur le plan de la sécurité, le démuni étant considéré comme un criminel, et elle réduit la criminalité aux délits commis dans les rues par les classes sociales les plus défavorisées.
Je persiste à croire qu’investir dans la prévention à l’égard de la jeunesse et mener une politique ambitieuse d’emploi et d’enseignement, demeurent les priorités pour accompagner ces jeunes.
En effet, la délinquance chez les jeunes résulte principalement d’un contexte socioéconomique défavorable. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Dans le quartier de Cureghem à Anderlecht, le taux de chômage atteint 45 pour cent , voire 70 pour cent dans certaines rues.
C’est véritablement une bombe qui peut exploser, si nous ne réagissons pas ! Les jeunes peuvent décrocher à tout instant, tant au niveau scolaire que social.
Le manque de liens sociaux, le manque de perspectives d’émancipation et d’avenir, un ascenseur social qui paraît hors service, voilà autant d’éléments qui peuvent rendre la situation critique.
Agir seulement par la répression n’aura jamais pour effet une réintégration. Cela risque, au contraire, de favoriser un isolement accentué, avec un risque important de récidive.
Il faut plutôt créer des liens pour ces jeunes afin de prévenir la délinquance. Les accompagner en optimisant la qualité et la mixité de l’enseignement, en offrant la formation et l’accompagnement à l’emploi serait déjà un atout considérable.
On doit impliquer les parents et l’entourage direct ; ce sont les premiers acteurs éducatifs. Combattre les sentiments et les préjugés par rapport à l’inconnu serait un autre atout.
Bruxelles fait face à un défi multiculturel indéniable. Elle doit saisir l’opportunité d’en tirer toutes les richesses. Créer des liens entre quartiers, entre communautés, voilà l’atout social à développer. Les maisons de jeunes et autres organismes pour la jeunesse permettent aussi de tisser des liens entre individus.
(...)".
Et Bea Diallo dont on connaît l'implication au quotidien dans le travail de terrain, de citer des expériences de prévention et d'accompagnement menées notamment par des associations dans lesquelles il est impliqué comme « My choice », « Émergence-XL », ou encore des des initiatives comme « Au top pour un job », un module de formation en partenariat avec des entreprises, les Matinées citoyennes interscolaires ixelloises, Solidarcité, Dynamo.
Bea Diallo: "L’essentiel, selon moi, réside dans la prévention éducative. La délinquance est un comportement déviant consécutif à une perte de repères. Or un adolescent passe, par essence, par cette étape. Certains, plus favorisés, la traverseront sans trop de difficultés ; d’autres n’auront pas cette chance et risqueront de se voir mis au ban de la société au premier écart.
La prévention se situe dans l’accompagnement des jeunes durant leur apprentissage et dans leur environnement. Si un délit est commis, il faut offrir au jeune un environnement qui favorise la création des repères qui lui ont fait défaut et tenter de le réintégrer. De cette manière, je suis convaincu que nous n’aurons plus à faire mentir les chiffres et prôner le répressif en réponse au malaise social.
Je dis oui à la prévention éducative et à la réinsertion des jeunes qui, pour des raisons diverses, décrochent.
Je dis non à davantage de répression mais encore oui à une politique plus ambitieuse en matière d’emploi, d’enseignement et de jeunesse qui permette aux jeunes de se construire par eux-mêmes et à travers les autres.
Il faut s’attaquer aux raisons réelles de décrochage des jeunes et avoir une politique globale et cohérente.(...)".
Quant à la réponse de la Ministre Evelyne Huytebroek, j'y ai fait allusion dans la rubrique "Actualité et médias".
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