Le drame de Liège occupe mes pensées. Et c’est le cas pour bon nombre d’entre nous.
Je pense aux victimes et à leurs proches. La vie s’est, en quelques secondes, montrée à leur égard d’une rare cruauté par l’intervention d’un malade, d’une sorte de psychopathe ou de sociopathe comme disent les spécialistes, assez pervers que pour tromper son monde et se suicider en semant l’effroi et la douleur autour de lui…
Ce n’est hélas pas la première fois que des faits aussi dramatiques et aussi imprévisibles surviennent et l’on connaît à Vielsalm, en Belgique et ailleurs, des familles durement éprouvées simplement parce qu’un enfant s’est trouvé, au mauvais endroit, au mauvais moment, sur le chemin d’un tueur…
Quelle serait ma réaction si un des miens était victime d’un tel salaud ? Je n’échapperais sans doute pas au désir de le tuer de mes propres mains, de le faire mourir à petit feu…
Mais j’espère que je n’en resterais pas là et que ma raison l’emporterait un jour sur la souffrance qui submerge tout le reste…
Serais-je pour autant capable de faire la même démarche que Jean-Pierre Malmendier qui avait accepté d’aller en prison rencontrer l’assassin de sa fille Corinne ?
Tout en ayant de l’empathie pour les victimes et leurs proches, il nous faut autant que possible veiller à prendre de la distance et à ne pas tomber dans un discours purement sécuritaire ou stigmatisant où le désir de vengeance l’emporte sur le désir de justice.
Et les hommes et les femmes politiques, tout en étant solidaires des victimes et des familles, se doivent précisément de ne pas se laisser emporter par l’émotion et de ne pas décider, par exemple, de changer la loi dans l’urgence du moment.
Je me souviens de débats au Parlement de la Communauté française au lendemain de faits graves commis par des jeunes. Certains de mes collègues s’en prenaient sans nuance et sans retenue, aux magistrats, au personnel des IPPJ et quasiment à tout le secteur de l’aide à la jeunesse et à la Ministre elle-même et remettaient en cause des services, des lois et des procédures qui n’en méritaient pas tant.
Certains veulent aggraver les peines d’emprisonnement et durcir les conditions de la libération conditionnelle. On sait que la sévérité pénale a augmenté ces dernières années. Faut-il aller plus loin ? Est-ce la bonne solution ?
La prison, si elle est nécessaire, est aussi très contre-productive en ce qui concerne la réintégration sociale : elle marque le plus souvent négativement celles et ceux qui y restent un certain temps ; la société ne se donne pas les moyens d’aider les détenus à se réinsérer socialement et professionnellement…
Il y a quelques jours, dans la Libre Belgique du 1er décembre, l’ancien procureur du Roi, Thierry Marchandise, critiquait durement notre système pénitentiaire, non sans raison…
Sans même se poser la question du pourquoi d’une société qui engendre tant de violence, le drame de Liège nous donne à nouveau l’occasion de nous interroger sur les moyens que l’on veut encore réserver au service public de la justice, aux maisons de justice et à tous ces services qui s’investissent dans un travail de prévention, d’accompagnement et de réinsertion.
C’est une priorité qui ne me paraît malheureusement pas partagée par certains partis de la coalition gouvernementale fédérale…
Jacques Gennen, 14 décembre 2011
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