Quelques semaines ont passé depuis le Ier mai. Il est temps que je publie l'édito qui traîne sur mon bureau...
Entre aller à Durbuy avec les socialistes luxembourgeois ou fêter le "vrai travail" à Jodoigne avec Charles Michel et le MR, mon choix a évidemment été vite fait...
Et je n’ai pas dû attendre l’avis d’Olivier Maingain sur Charles Michel pour me faire une idée. De longues années de copinage avec le MR ont fait d’Olivier Maingain un fin connaisseur de ce parti et de Charles Michel en particulier.
Dans le Soir du 10 mai, le président du FDF relève avec raison que les indépendants qui éprouvent des difficultés ne sont pas toujours bien défendus par le MR et il s’en prend aux propos de Charles Michel dénonçant l’assistanat et même le profitariat social. Il précise : « le MR semble résolu d'aller vers l’électeur en lui présentant une pâle copie du sarkozysme que les Français viennent de rejeter. »
Olivier Maingain : « Michel divise les groupes sociaux. Le MR n'a aucune idée des difficultés d'existence que rencontrent les personnes touchées par la crise ». Et il ajoute : « Le discours réactionnaire de Charles Michel sur le soi-disant assistanat ne se situe pas très loin de celui de Marine Le Pen. Avec de tels raccourcis, Charles Michel fait le lit de l'extrême droite. » Je laisse à Olivier Maingain la responsabilité de ses propos…
Pour avoir bien connu les Lagasse, Remiche, Outers et autres acteurs du FDF des origines, je me suis toujours demandé comment avait pu être possible la cohabitation entre le MR et le FDF, ce dernier étant bien plus engagé dans la défense d’un Etat actif, du social et du non-marchand que les libéraux de Charles Michel et Didier Reynders.
A l’évidence, la défense des intérêts des Francophones de la Périphérie notamment, était le ciment d’une telle cohabitation.
Mais l’accord institutionnel est passé par là et, qui plus est, le discours du MR s’est encore ancré plus profondément à droite. On est loin d’un certain libéralisme social à la Louis Michel…
Il y a quelques jours, sur la Première, Charles Michel y allait encore de son couplet sur le système d’assistanat qui, selon lui, s’est développé en Wallonie grâce à l’hégémonie des socialistes.
Au-delà d’une telle caricature, Charles Michel n’avait de cesse de dénoncer le fait que bon nombre de chômeurs n’avaient pas intérêt à retrouver du travail avec une rémunération à peine supérieure aux allocations de chômage et des dépenses en plus (déplacements, frais de garde d’enfants, etc.).
Les recettes du MR ? Limiter dans le temps le bénéfice des allocations de chômage et les réduire car cela ne manquera pas, selon ce parti, d’inciter les chômeurs à reprendre le travail !
Ce discours a évolué avec le temps : le MR plaide aussi pour une augmentation de la rémunération nette en diminuant l’impôt et le précompte professionnel (ce que les socialistes ne veulent pas, a vicieusement ajouté Charles Michel, lequel n'est jamais avare de contrevérités…).
Charles Michel n’a évidemment pas tort quand il souligne que, dans certains cas, la rémunération n’est pas toujours attractive et que les dépenses liées au travail sont dissuasives.
D'autres recettes que les recettes du MR...
Mais plutôt que de céder aux obsessions du MR en s’attaquant aux services publics et aux allocataires sociaux, il faut mieux prélever l’impôt en donnant plus de moyens à l’Administration fiscale et en modifiant le Code des impôts pour éviter les effets d’aubaine, éliminer les niches fiscales et les mécanismes qui favorisent l’évasion fiscale, s’attaquer réellement à la fraude fiscale, augmenter la fiscalité sur les revenus les plus élevés, taxer davantage les grosses fortunes, les riches et certaines plus-values…
A cet égard, les mesures adoptées par le Gouvernement fédéral sont bien insuffisantes. Il était sans doute difficile d’en obtenir davantage d’un gouvernement dominé par la droite.
Pour favoriser la remise au travail des sans-emploi, c’est aussi dans les services collectifs qu’il faut investir, c’est le salaire minimum qu’il faut augmenter significativement, ce sont de bons emplois avec des conditions de travail et des rémunérations décentes qu’il faut créer…
Pour l’instant, ce qui frappe le plus, c’est la ligne dure imposée par la droite dans le gouvernement fédéral en matière de chômage et d’emploi notamment : diminuer progressivement les allocations de chômage, réduire les conditions de crédit-temps et de pause-carrière, rendre plus souples les conditions de l’emploi convenable, rendre plus difficiles l’accès et le droit aux allocations d’attente pour les jeunes (rebaptisées « allocations d’insertion »), des mesures qui ne feront qu’accentuer la précarité.
Sans la réaction des organisations syndicales, sans la grève générale du 30 janvier 2012, cette politique aurait été plus dure encore…
Charles Michel oublie qu’avant d’être chômeurs, les travailleurs ont perdu leur emploi et ont vu leurs revenus diminuer drastiquement. Ils ont heureusement pu bénéficier d’allocations de chômage qui leur ont permis, tout en réduisant leur train de vie, de consommer et faire vivre ainsi nombre de petits indépendants et de petites entreprises.
Sa "fête du vrai travail" est aux antipodes de cette réalité-là et des préoccupations de celles et ceux qui ont perdu leur boulot ou n'en ont jamais eu et n'en trouvent pas!
A Durbuy, au beau 1er mai des socialistes luxembourgeois…
On a eu droit à un 1er mai sous le soleil mais aussi sous le signe de la solidarité et de l’Action commune. Les représentants du PS, de la FGTB et de la Mutualité étaient présents, pour dénoncer d’une même voix les dérives néolibérales de l’Union européenne et les méfaits d’une austérité qui prend les petits à la gorge, qu’ils soient salariés, indépendants ou sans emploi…
Laissons au MR sa tentative de s’approprier le 1er mai et le « vrai travail ». Il ne convaincra personne !
Rien ne peut faire oublier que le vrai 1er mai plonge ses racines dans l’histoire syndicale et la question sociale avec la grève durement réprimée des syndicats américains qui, en 1886, se battaient pour la journée des huit heures et pour plus de justice sociale.
Chaque année, depuis lors, le 1er mai est l’occasion de rappeler les luttes syndicales et les combats politiques du PS, de la FGTB et de tous les progressistes qui ont construit petit à petit les droits et libertés démocratiques d’aujourd’hui.
A Durbuy, on était aussi dans l’attente du résultat des élections françaises avec l’espoir de voir François Hollande l’emporter.
Non pas qu’on s’attendait à des changements radicaux avec l’arrivée d’un président socialiste dans une Europe dominée par la droite.
Mais bon, notre espoir, c’était la perspective d’un président avec un discours différent, rassembleur, tolérant, attentif aux victimes de la crise financière et économique et aux sans-emploi, qu’ils soient salariés ou indépendants.
Un président qui ne prend pas pour argent comptant les discours des défenseurs du « tout au marché », qui défend les services publics, qui fait de la lutte contre la fraude fiscale et financière une priorité, un président qui se bat pour une vraie relance économique au niveau de l’Union européenne et pour que cette dernière donne aussi aux Etats les moyens de la financer.
Un président qui plaide pour plus de justice sociale et d’égalité, un président qui n’oppose pas de soi-disant assistés aux autres groupes sociaux.
Ce 1er mai 2012, on s’est pris à rêver un peu et puis c’est arrivé…
Bon, ce n’est qu’un début…
J. Gennen, 10 mai 2012
Je vous propose un lien vers le témoignage personnel de Claude Emonts, président de la Fédération des CPAS de Wallonie et du CPAS de Liège : « Monsieur Michel, j’ai en moi la colère des pauvres », publié dans la Libre Belgique du 4 mai 2012.
Je vous propose également un lien vers l’article de David Lannoy « Chômage des jeunes : l’exclusion comme solution miracle ? » publié sur econospheres.be le 4 mai 2012.
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